Ève K. Tremblay : Ma grand-mère est une actrice
Les Mimi et Jeanne photographiées par Ève K. Tremblay boivent du martini, fument la cigarette, jouent au poker ou prennent le thé. Sensualisme et photographie.
Ève K. Tremblay
pratique la photographie d’une manière des plus réjouissantes. Ses photographies sont d’une grande virtuosité technique; leur facture est impeccable et apparaît comme une constante dans toute la production de l’artiste. Ce sont des photographies couleur qui ont été développées à même les laboratoires de Vu (un des rares endroits au Québec où les artistes peuvent travailler la photographie couleur). Le contenu de ces photographies loge dans le jeu incessant entre le réel et le fictif, entre la mise en scène recherchée et le cliché spontané. Cette ambivalence révèle le caractère poétique et pointe la dimension fictive de toute tentative photographique.
Cette série réalisée en 1999 est un ensemble de portraits de la grand-mère et de la tante de l’artiste. Ève K. Tremblay les a visitées chaque jeudi pendant un an, nous les montrant dans leur univers, entourées de tous leurs objets familiers. Les deux femmes posent et s’abandonnent aux mises en scène avec un plaisir évident. Si dans cette série exposée chez Vu, Ève K. Tremblay montre un univers chargé d’un décor témoin du temps, typé et typique, ce n’est jamais pour s’en moquer. Chaque détail compte dans chacun des cadrages, longuement étudiés. La référence à l’univers domestique des deux femmes n’est jamais au service de l’ironie. Leur environnement n’est pas tourné en dérision, ni envisagé seulement à des fins décoratives. Voilà de vieilles dames dans toute leur beauté et leur dignité. Et elles s’amusent en plus. Au surplus, cela change de cette génération de photographes, dont fait partie le Canadien Evergon, qui ont montré la vieillesse dans une nudité provocante, davantage dans un souci de transgression. Avec les portraits de Mimi et Jeanne, on est plongé dans un univers de sensualisme. Voilà l’occasion d’apprécier le travail d’une des photographes les plus actives de sa génération. Depuis 2003, Ève K. Tremblay a présenté ses photographies dans différents lieux au Canada, en Europe, aux États-Unis. Elle a travaillé à Cuba. Elle termine tout juste une résidence de création à Strasbourg en France et participe à une exposition collective en Allemagne. Dès le 25 mars, ses photographies seront exposées en solo à New York, à la Galerie Buia. Dans la série Mimi et Jeanne, comme dans toutes ses photographies, Ève K. Tremblay pose un regard aiguisé sur ses sujets, leur environnement nous rappelant que rien n’est jamais vraiment anodin.
Jusqu’au 25 mars
Chez Vu
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BLOC-NOTES
PORTRAITS DE CAROTTES
Autre excellente raison d’aller chez Vu: voir les photographies de Patrice Fortier, qui présente une galerie de carottes qu’il a numérisées sur fond sombre, évoquant ainsi leurs lieux de croissance. Fortier est un des fondateurs de la Société des plantes, une entreprise d’agriculture biologique installée à Kamouraska. Il poursuit, parallèlement à son travail d’horticulture, une production en arts visuels. "La page blanche du jardinier est un carré noir", comme il le dit avec conviction. Ces quelque 150 impressions à jet d’encre sont autant de variations pleines de nuances, sur le motif de la carotte. Certaines sont des petits phénomènes. Elles ne laisseront personne indifférent. Jusqu’au 26 mars.
LA FUITE DANS LES IDÉES
À l’OEil de poisson, ne manquez pas l’installation où Christine Saint-Maur et Félix Leblanc s’en sont donné à coeur joie, concoctant un univers débridé et bancal à souhait. Autour d’un épouvantail sonore, ils ont fait l’étalage de leur collection d’objets tirés des brocantes. Félix Leblanc a dessiné au mur des dessins de son cru, dans l’esprit des fanzines qu’il publie. Une bande vidéo loufoque complète ce coin de campagne inventé et débonnaire. Mais à la lumière de l’authentique force d’évocation des photographies d’Ève K. Tremblay exposées chez Vu, cet amalgame d’objets épars apparaît peut-être un peu superficiel. Trop léger?
OUVERTURE D’UNE NOUVELLE GALERIE
Dimanche prochain, le 5 mars (entre 14 h et 17 h), il y aura inauguration d’un nouvel espace d’exposition au centre-ville de Québec: la Galerie Bécot. Ce nouveau lieu se trouve au 344, rue Sainte-Hélène. Première exposition de la Galerie, située à même l’atelier de l’artiste et ancien professeur d’art André Bécot: un collectif regroupant notamment les oeuvres de l’hôte ainsi que celles de Carole Baillargeon, Alice Martineau, Bill Vincent et Don Darbi.