Les Heures lytiques : Les maux du corps
Les Heures lytiques de Valérie Guimond font référence à ces moments terribles qui précèdent la mort, à ces instants précis où le corps commence à flétrir.
Valérie Guimond, dans Les Heures lytiques, fuit la beauté. Elle dessine des corps malades, décharnés. Elle fait parler la laideur, qui a beaucoup à dire. Le dialogue est lourd, à la limite du désagréable. Pourtant, on ne peut s’empêcher d’entretenir la conversation. S’il repousse, ce qui est difforme a également le pouvoir étrange d’attirer le regard.
Au baccalauréat, comme la plupart des étudiants en arts visuels, la Trifluvienne dessine de jolies silhouettes. Cependant, une rencontre surprise avec le travail coup de poing de Jean Rustin, qui propose des tableaux léchés dans lesquels la nudité rappelle celle vécue dans les camps de concentration nazis, l’invite à envisager d’autres avenues. "Après ça, je me suis mise à m’intéresser à ce que le corps peut dégager quand il n’est pas tout à fait normal ou beau à regarder. Quand c’est juste beau, tout le monde est d’accord que c’est beau et il n’y a plus rien d’autre à dire. Tandis que, quand le corps ne correspond pas aux standards de beauté, il y a autre chose à dire, une présence que tu n’arriverais pas à faire avec un corps parfait. Je me suis donc intéressée à la maigreur, mais pas nécessairement à l’anorexie", explique la créatrice.
Ses premières oeuvres s’articulent autour de femmes enceintes aux courbes squelettiques. Valérie Guimond explore cette voie jusqu’au moment où elle ressent le besoin de faire accoucher ses sujets. Le résultat final est burlesque et diverge du message qu’elle désire véhiculer: ces personnages semblent chanter de l’opéra. Elle doit ainsi passer à autre chose. Comme l’une de ses soeurs est médecin, elle découvre le monde de la psychiatrie. Soudainement, elle voit à travers les individus atteints d’une maladie mentale grave une source nouvelle d’inspiration. "Je m’intéressais à leur position corporelle dans l’espace. Ils ne se tiennent pas droits. Ils se tiennent carrés, tout croches. Et c’est ce que je trouvais tripant. Je me suis intéressée à cette seconde lecture-là, plus qu’à juste la claque dans la face comme Jean Rustin."
Avec ses dessins, ses sérigraphies et ses lithographies sur pierre, celle qui fait partie de la relève de l’Atelier Presse Papier désire léguer un travail intemporel. Elle ne veut pas situer ses personnages dans l’espace. Chaque spectateur interprète ses croquis aux traits nerveux comme il le veut. "Il y a des gens qui regardent mes tableaux et qui disent que ça parle de la vieillesse. Ça peut aussi être la malnutrition, l’anorexie, la maladie mentale." Un seul point évident: le mal-être. "J’avais l’impression que quelqu’un qui est maigre, c’est quelqu’un qui ne fait pas attention à son corps. […] C’est l’humain sans artifices, sans graisses", conclut-elle.
Jusqu’au 26 mars
À la Galerie d’art du Parc
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