Nathalie Daoust, Marie-Josée Hardy : De chatterie à sucrerie
Arts visuels

Nathalie Daoust, Marie-Josée Hardy : De chatterie à sucrerie

Si parfois le rapport entre les deux salles de l’Espace virtuel donne des agencements qui frisent le surréel, au gré des projets qui sont soumis à l’appel de dossiers, cette fois, le hasard fait bien les choses. Malgré le propos fort divergent de chacune des deux artistes, une harmonie formelle – la couleur – et thématique – la femme poupée – lie admirablement les deux salles d’exposition.                     

Dans la première salle, le projet Tokyo Girls: pénombre incarnadine et banquet de chair. Le pouvoir hypnotique des poupées de luxe, tokyoïtes ou étrangères, rencontrées par Nathalie Daoust pour un documentaire artistique s’intéressant aux strip-teaseuses du Japon, semble de prime abord leur conférer une certaine dignité malgré leur nudité. Les enjôleuses cherchent alors à suborner le passant, exhibant flanc et appâts sans vergogne, montrant le galbe avec une assurance déconcertante, voire choquante. Toutefois, lorsque la gêne est passée, il n’est pas long qu’elles se soumettent à nouveau au visiteur, alors que celui-ci comprend que leurs gestes répondent à ses propres mouvements, à sa volonté. C’est donc la technique lenticulaire utilisée par l’artiste qui consacre leur assujettissement au regard de l’autre, comme si même à travers l’art, elles ne pouvaient s’affranchir de cette condition de séductrices à la solde de ces rencontres éphémères qui ne se font que dans l’obscurité.

Selon Marie-Josée Hardy, il faut se questionner sur ce qui nous pousse à vouloir nous conformer.
Photo: Marie-Josée Hardy

Du simulacre de fantasme sexuel à celui de fantasme ludique, le jeu sérieux et intime de la première salle devient léger et ludique dans la deuxième, alors que les règles à enfreindre ne sont plus les mêmes. Marie-Josée Hardy, pour son projet La Plus Belle Semaine de ma vie, se met elle-même en scène dans la réalisation de quelques fantaisies sans malice. Son travail numérique de l’échelle et la duplication de sa propre image interrogent la place du bonheur dans un univers de l’excessif. L’exposition est accompagnée d’un projet d’art postal rendu possible grâce à la Fondation TIMI – 3000 cartes postales manuscrites envoyées au hasard dans les foyers de la région dans le but ultime de recueillir une multitude de recettes de bonheur pour en faire un "livre de recettes". Pour elle, la vie est un jeu dont les règles doivent parfois être transgressées, et il faut se questionner sur ce qui nous pousse à vouloir nous conformer. Vous quitterez peut-être la salle avec l’impression d’avoir des cristaux de sucre sur les lèvres, ou même avec ce sentiment à la fois nauséeux et satisfaisant qui accompagne l’abus de friandises…

Les deux expositions, qui, selon Jean-Marc Roy, coordonnateur à l’Espace Virtuel, jouissent déjà d’une popularité hors du commun, sont accessibles jusqu’au 9 avril.