La Biennale de la Whitney : La nuit américaine
Arts visuels

La Biennale de la Whitney : La nuit américaine

La Biennale de la Whitney, qui a lieu ces jours-ci à New York, est cette année très contestataire. Retour vers l’art engagé?

La 73e édition de la Biennale de la Whitney, l’une des plus réussies des dernières années, est aussi la plus mondialiste de toute son histoire. Plus de 25 % des 101 artistes ne sont pas nés aux États-Unis et plusieurs n’y vivent même pas. Et les deux commissaires, Chrissie Iles et Philippe Vergne, sont anglaise (née au Liban) et français.

Comme l’a fait remarquer la critique, c’est donc la moins états-unienne des Biennales de la Whitney. Mais rares sont ceux qui ont clairement osé dire que c’était la plus anti-états-unienne, la plus critique des politiques du gouvernement Bush et même du mode de vie états-unien. Pourtant, tel est le cas. Le commentaire du commissaire Vergne est sans équivoque à cet égard. Dans sa présentation audio, celui-ci ne mâche pas ses mots: "Dans une culture où la logique est tous les jours un peu plus contestée, sommes-nous à une époque moderne ou plutôt revenus à une époque pré-moderne? Sommes-nous avant les Lumières, dans un Moyen-Âge états-unien, dans une nuit américaine?" Le titre de la biennale, Day for Night (titre qu’a porté aux États-Unis le film La Nuit américaine de Truffaut), ne manque pas non plus de mordant. Et les artistes choisis sont aussi cinglants.

Cela débute par une Tour de la paix placée devant le Whitney Museum, reprise d’une intervention de Mark di Suvero de 1966 contre la guerre du Vietnam. Di Suvero, accompagné cette fois de Rirkrit Tiravanija, a demandé à plus de 200 artistes d’y participer. On peut y lire des slogans comme "Stop Bushonomics! No more blood for oil!".

Dans le musée, la contestation se poursuit. Dash Snow présente une installation de papiers découpés et de livres parmi lesquels on retrouve, entre autres, un dollar sur lequel est dessinée la mort et l’essai A Nation of Sheep de William J. Lederer, ouvrage qui critique le manque d’efficacité des services secrets états-uniens. Dawolu Jabari Anderson, dans l’installation Black History Month – Feel What the Excitement Is All About, se moque de la façon qu’ont nos sociétés de fêter rapidement un groupe social minoritaire pour mieux l’oublier le reste de l’année. Même le célèbre sculpteur Richard Serra y va de sa protestation avec une affiche reprenant l’une de ces effrayantes images montrant un prisonnier torturé à la prison d’Abou Ghraib.

Mais une telle attitude changera-t-elle les choses? L’art peut-il vraiment éveiller les consciences d’une population? www.whitney.org

Jusqu’au 28 mai