Simon Blais : Immaculée conception
Le galeriste Simon Blais a réuni des oeuvres où prédomine la couleur blanche. Signées par Betty Goodwin, Jean-Paul Riopelle, Jean-Paul Lemieux, Sylvia Safdie…
Autant l’art classique s’est préoccupé des apparences (dans tous les sens du terme, c’est-à-dire de ce qui est visible et de ce qui peut être présentable socialement), autant l’art moderne s’est intéressé à ce qui est imperceptible pour le regard. L’art est donc passé de la représentation de ce que le monde a l’air à ce que le monde fait ressentir comme émotions à l’artiste et au spectateur. En art contemporain, cette sensibilité s’est poursuivie. L’art actuel tente en effet souvent de montrer ce qui est évanescent, le moment où le regard faillit, laissant place aux autres sens.
Dans l’exposition Blanc silence, montée par Simon Blais, vous aurez encore l’occasion de sentir l’importance de cette manière d’appréhender le monde. Le galeriste a réuni une trentaine d’oeuvres réalisées par autant d’artistes, où les représentations frôlent le presque rien, la disparition.
Voilà une belle idée de présentation, qui fait écho à celle montée il y a déjà quelques années par René Blouin et Lilian Rodriguez et qui s’intitulait La Cathédrale engloutie. J’aimerais en voir plus dans ce genre. Bien souvent, les expos tournent autour d’un type de narration, d’un artiste, d’une école, d’un médium ou d’un genre… Qu’une couleur, ou plutôt qu’une absence de visibilité puisse hanter la démarche de plusieurs artistes sur plusieurs décennies, voilà qui ne manque pas d’intérêt. D’autant plus que plusieurs pièces sont de qualité.
Au coeur de cette présentation, un tableau de 1977 de Jean McEwen attire particulièrement l’attention. Ce grand artiste (mort en 1999), qui a marqué la mémoire collective avec ses couleurs intenses, signe ici une toile presque immaculée, rehaussée par quelques légers roses et bleus qui font vibrer l’ensemble. Malgré ses allures abstraites, l’huile sur toile Épithalame (mot désignant un poème composé à l’occasion d’un mariage) parle d’une période de la vie de l’artiste où il était amoureux.
Vous trouverez aussi un tableau de Borduas (Noeuds et Colonnes, de 1958), une photo de Burtynsky montrant une carrière, une superbe photo de Bertrand Carrière, beaucoup moins léchée qu’à son habitude… Même des artistes que je n’aime pas particulièrement ont ici de très bonnes pièces: Jean-Paul Lemieux, avec un petit paysage presque abstrait, Peter Hoffer, avec une huile et résine qui fait penser à des gouttelettes d’eau ou de lait, et qui évoque les meilleurs François Lacasse…
Jusqu’au 25 mars
À la Galerie Simon Blais
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