Crime Scenes : Délicate ironie de la mort
Marcio Lana-Lopez expose Crime Scenes à la Galerie VU du Complexe Méduse. On y découvre un univers réaliste empreint d’ironie dont le sujet frappe: il y a eu une série de meurtres… et c’est toujours la même personne qui en est la victime.
Marcio Lana-Lopez
est un artiste pluridisciplinaire originaire du Brésil. Il vit présentement à Montréal, où il est chargé de cours à l’UQAM tout en y poursuivant un doctorat en études et pratique des arts. Il compte à son actif de nombreuses expositions. Il a récemment présenté The Wild Size, à la Galerie Clark. Crime Scenes est une installation inédite qu’il a spécialement conçue pour la Galerie VU.
La première chose que l’on remarque en entrant chez VU est une légère odeur de terre humide. Un simple parfum de dégel qui situe instinctivement l’inconfort de ce que l’on vient voir: des photos de scènes de crime.
On comprend bien assez tôt d’où vient cette odeur troublante. Le sol est couvert de terre où une végétation clairsemée tente désespérément de pousser. Sur la terre, on a disposé d’immenses panneaux indicateurs lumineux comme ceux que l’on trouve en bordure des routes de campagne pour annoncer le bingo dominical ou la danseuse du mois.
Au recto de ces panneaux, du texte. Au verso, un cadavre photographié au moment de sa découverte.
Malaise devant le sordide de la situation. Après l’exposition The Morgue d’Andres Serrano, présentée au Musée d’art contemporain de Montréal il y a quelques années et qui mettait en scène des photographies hyperréalistes de cadavres, voici qu’un artiste aiguise son art du documentaire en suivant à la trace le travail d’un coroner. Mais quelque chose cloche, il y a fracture dans le réel documenté.
Au mur, on a reproduit un extrait de l’interrogatoire du policier qui a trouvé une des victimes. En comparant les données d’autopsie, il s’est aperçu que la série de meurtres avait un point commun: toutes les victimes possédaient le même ADN. Ce qui fera dire au policier: "On connaissait des tueurs en série, mais pas des victimes en série."
C’est là que l’humour dérangeant de Marcio Lana-Lopez se déploie. C’est bien à un art du documentaire que le spectateur est confronté, mais c’est le documentaire d’une fiction grinçante et savoureuse. L’artiste pervertit les signes et les codes avec intelligence pour entraîner le visiteur dans un univers plus que réel où la mort fauche toujours la même personne: Marcio Lana-Lopez.
De terrain vague en marais en sous-sol humide, l’artiste trace un parcours géographique, le nom des villages où ont eu lieu les crimes étant mentionnés, ce qui révèle le souci de montrer une Amérique en marge d’elle-même. Les situations construites par Lana-Lopez ne sont pas sans rappeler In Cold Blood de Truman Capote, dans lequel l’horreur frappe une communauté éloignée. Le contraste occasionné par la présence du cadavre de l’artiste dans ces lieux en apparence sans histoire révèle avec ironie la proximité parfois insoupçonnée du drame.
Pour chaque scène de crime, Lana-Lopez prend soin d’intégrer une dynamique de dévoilement de la tragédie. À l’aide de quelques clichés, dont la suite forme une sorte de travelling avant, l’artiste parvient à créer un univers dramatique percutant qui transmet l’incongruité des situations. La victime apparaît en porte-à-faux avec le lieu où on l’a trouvée, comme si elle avait été déposée dans un environnement qui n’est pas le sien.
EN COMPLÉMENT DE PROGRAMME
Une fois à VU pour l’installation de Lana-Lopez, il faut prendre le temps de descendre les quelques marches qui mènent à la petite salle de ce lieu de diffusion pour l’exposition Devant le miroir de François Lamontagne. Cet artiste est titulaire d’une maîtrise en arts visuels de l’Université du Québec à Chicoutimi et s’intéresse tout particulièrement aux notions d’identité et de persona.
Dans cette exposition, Lamontagne réexamine le rituel du portrait comme source d’introspection. Les sujets, présentés sur fonds neutres, sont conscients de leur rôle. Ils se dévoilent avec divers degrés de générosité. De cette suite de modèles fixant intensément l’objectif, et par extension le spectateur, naît une étrange galerie humaine où le visiteur a l’impression d’être celui qui est vu plutôt que d’être celui qui voit. Par glissement, la photographie comme miroir du sujet se mute en portrait comme miroir du spectateur.
Jusqu’au 30 avril
À la Galerie Vu
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