Trevor Gould : Des souris et des hommes
Trevor Gould décortique les symboles de notre histoire culturelle. Chez Lilian Rodriguez, il interroge la peinture de Tiepolo et la "découverte" du monde par les Européens.
Au beau milieu du 18e siècle, à Wurtzbourg en Allemagne, le peintre italien Giambattista Tiepolo peignit un immense plafond en trompe-l’oeil représentant Apollon et les quatre continents. Dans cette oeuvre, qui fait partie du patrimoine mondial de l’Unesco, l’Europe y est symbolisée par un taureau, l’Afrique par un chameau, l’Amérique par un crocodile et l’Asie par un éléphant… Étranges choix allégoriques qui montrent toute la place du fantasme dans notre rapport à la culture de l’autre.
Dans Models and Drawings for Apollo and the Four Continents, l’artiste Trevor Gould (qui est aussi professeur à l’Université Concordia) interroge cet univers visuel mis en place par Tiepolo. Gould y explore plus généralement la symbolique associée aux animaux, aux dieux antiques et, en fait, la place que se donnent les Européens dans la représentation du monde. L’artiste en profite pour nous dire comment, de nos jours, cette symbolique ne serait plus la même. L’Amérique serait peut-être plutôt représentée par une souris ayant réussi à conquérir la planète: Mickey Mouse. En attendant l’expo sur Walt Disney, qui aura lieu au Musée des beaux-arts en 2007 et qui interrogera certainement l’univers métaphorique de la célèbre souris ainsi que de son troupeau d’amis, Gould y va de son commentaire acide.
La petite sculpture intitulée Humboldt Goes to America est l’une des pièces centrales de cette expo. Vous y verrez un homme en short, tel un touriste américain, s’avançant sérieusement, un chapeau de Mickey Mouse sur la tête. Le grand explorateur et naturaliste allemand Humboldt, qui, avec son très fidèle compagnon Aimé Bonpland, explora le Mexique, la Colombie, l’Amazonie et d’autres régions du monde, devient ici le symbole d’une attitude très européocentriste. On s’est en effet servi du nom de Humboldt pour désigner plusieurs lieux, villes, montagnes, en Amérique et ailleurs (il y a même une "mer" Humboldt sur la Lune), une espèce de pingouin, un courant marin dans le Pacifique… Gould nous souligne l’attitude très colonialiste de l’Europe dans sa "découverte" des autres continents et de l’univers. Très juste.
Jusqu’au 15 avril
À la Galerie Lilian Rodriguez
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