Martin Beauregard : Taxidermie humaine
Martin Beauregard occupe présentement la grande salle de l’OEil de poisson avec sa création Playing with Reality. À l’aide de la vidéo, de la photographie et de la taxidermie, l’artiste convie le spectateur à une réflexion dérangeante sur les modalités du réel.
Jeune diplômé de l’École des beaux-arts de Bordeaux, l’artiste habite Montréal et a déjà présenté son travail à Tokyo, Manille et Vancouver. Dans Playing with Reality, il explore le point de bascule entre la fiction et la réalité. "Il arrive parfois que le monde réel nous fasse vibrer comme au cinéma, explique Beauregard. Qu’un lieu ressemble étrangement aux souvenirs que l’on a pu garder d’un film. Un peu comme si, à force d’avoir représenté le réel, la représentation cinématographique et télévisuelle venait à son tour imprégner la réalité, nous laissant devant le monde avec une inquiétante impression de déjà-vu…"
Le premier des deux espaces occupés par Martin Beauregard est consacré à des scènes de chasse. Au centre de la pièce, une majestueuse tête d’orignal empaillée et un teddy bear géant. C’est le toutou qui a le plus d’effet. En s’approchant, on découvre que l’ourson réconfortant tout droit sorti de notre passé est fait du museau, des griffes, des poils et du sexe d’un ours véritable. Le décalage entre la forme rappelant un univers enfantin et la réalité crue des matériaux employés est percutant. Au mur, comme un écho lointain de la cause de ces trophées morbides, sont suspendues des photographies de chasseurs. En petits groupes, ils posent fièrement, la carabine dressée vers le ciel, devant des pick-up sur lesquels sont harnachées les têtes ensanglantées d’orignaux fauchés par la chasse du matin.
Le deuxième espace de l’installation propulse le spectateur dans un tout autre registre émotif. Cette fois, c’est l’humain qui est mis en scène. À l’aide de projections vidéo rappelant d’étranges documents sortis de ses archives personnelles, Martin Beauregard traite de la relation que l’on entretient avec l’amour, la dégradation du corps et la mort.
Les séquences projetées en boucle finissent par s’imprégner dans l’inconscient du visiteur pour former une trame de la mémoire. À la manière du taxidermiste qui fige la bête dans une vie irréelle, les souvenirs imposés par Beauregard se cristallisent pour former un espace narratif immuable où la marge entre réalité et fiction s’estompe doucement.
LES DESSOUS DE L’ÊTRE
Toujours à l’OEil de poisson, Patrick Bérubé présente dans une minuscule salle son installation Il y a quelque chose qui m’échappe. Véritable défi de perspective, le travail de Bérubé montre le dessous des choses et des êtres. En se jouant des destinations premières de ce qui est conçu pour être vu et de ce qui est censé être caché, l’artiste s’amuse à mettre en lumière la face "interdite" de nombreux objets d’usage courant. En dévoilant ces dessous, Bérubé ne manque pas de mettre en question ce que l’on choisit nous-mêmes de garder caché, bien protégé de la poussière et du regard extérieur.
Jusqu’au 30 avril
À l’OEil de poisson
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