Marc Séguin : Sabotage ou l’art de la transgression
Si le peintre Marc Séguin revient à Québec avec une toute nouvelle série d’autoportraits "sabotés", c’est décidemment parce que cet artiste québécois est plus que jamais actuel.
En effet, après une absence de six ans de la Vieille Capitale, Marc Séguin nous rappelle, à travers l’exposition Sabotage, que la beauté n’est pas l’apanage de la tradition. On sait que le portrait et l’autoportrait sont à la peinture ce que le sujet est au verbe, à savoir que l’un ne va pas sans l’autre. Quand on fait un portrait, on s’inscrit dans "une tradition vieille de 400 ans", mais qu’arrive-t-il quand on transgresse les règles élémentaires de la construction du portrait?
On obtient la très belle exposition de Marc Séguin à la galerie d’art contemporain Lacerte. L’idée du peintre, c’est de nous faire basculer à l’intérieur d’un parcours de 360 degrés, où les vertiges sont au rendez-vous. 360 degrés, parce que la série de peintures (numérotées de 1 à 16) suit un mouvement. Ce mouvement, c’est celui que l’on fait quand on tourne sur soi-même devant un miroir. De face, de dos, de profil, et ainsi de suite. Le vertige commence donc dès lors que l’on accepte de tourner avec les oeuvres, et se poursuit inexorablement quand on oublie le fond de lin de la toile pour se concentrer sur l’huile du glacis. C’est que les toiles sont divisées en deux. D’une part, les autoportraits sont des esquisses faites au fusain sur le lin et, d’autre part, on retrouve sur un glacis de la taille de la toile de lin des images aux couleurs vives, images peintes à l’huile.
L’exposition Sabotage, c’est "l’idée de se voir dans un miroir", de se voir plus loin, plus en profondeur, "l’idée de réfléchir", "l’idée de passer plus loin de ce que l’on voit de nous". Et puisque, "à la base de la peinture, ce sont les objets visuels", Marc Séguin choisit des objets visuels inspirés des formes de la vie quotidienne afin de saboter ses autoportraits.
Si "les portraits sont intentionnellement sabotés", nous dit l’artiste, c’est pour nous faire prendre conscience d’une époque, d’un temps tourmenté par la perte d’identité. Il espère ainsi que "les artistes soient compris et perçus comme des témoins d’une époque ou d’un temps". Notre époque parlant beaucoup de terreur, on comprend aisément pourquoi le thème reste encore présent dans cette série de peintures.
Cette exposition nous permet "de faire le tour de soi". Il y a plusieurs peurs dans la vie. La peinture de Marc Séguin est en ce sens exutoire. Elle nous confronte à nos peurs, dont celle de l’avion, de la maladie, de la vieillesse et de la mort. Ce virtuose créateur, autant de la peinture que de la gravure, a fait, fait et fera réfléchir avec sa nouvelle esthétique du sabotage. En regardant les oeuvres du point de vue de la réflexion, on se pose finalement cette question: Et si le tempus fugit n’était qu’un leurre?
Du 21 avril au 15 mai
À la Galerie Madeleine Lacerte
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CARNET
LA TRANQUILLITÉ DE L’ÂME
Ceux qui aiment la lithographie inspirée ne doivent pas manquer Pauline Hébert, qui est à la Galerie Engramme jusqu’au 14 mai. Son installation lithographique Des grains de vie à fleur de pierre nous plonge, grâce à ses 900 petits carrés ensoleillés et amovibles, à l’intérieur d’une intimité minutieuse. Le jeu des carrés permet à l’artiste d’insuffler une nouvelle vision lorsque bon lui semble. Une réflexion peut surgir à chaque instant, à chaque petit morceau de couleurs vives sur lesquels notre regard vient se poser délicatement. Pour âmes sensibles seulement!
MIROIR, MIROIR, DIS-MOI…
Quand on se regarde dans le miroir, qui voit-on? François Lamontagne n’apporte pas nécessairement de réponses dans son exposition Devant le miroir, mais il interroge, déroge. Il invite au questionnement, à une prise de conscience: et si nous étions tous des êtres profondément narcissiques? Le Centre de diffusion et de production de la photographie VU présente jusqu’au 30 avril cette exposition aux allures d’étrangeté. "D’une certaine manière, ces étranges portraits (…) nous convient à une expérience inédite sur les conventions du portrait." Quiconque veut savoir qui il est doit auparavant savoir s’il existe. En n’apportant pas de réponse existentielle à ce problème, le photographe a tout de même le mérite d’ouvrir le débat.