BGL : Victime de la mode?
Le trio BGL, après une absence de quatre ans, est de retour à Montréal pour la seconde fois en l’espace de quatre mois. Art accrocheur? Daniel Olson les accompagne.
Voici une expo qui ne tient pas debout, pourra se dire le visiteur. Car, en effet, le trio BGL (formé de Jasmin Bilodeau, Sébastien Giguère et Nicolas Laverdière) nous convie à une présentation qui reprend, qui récupère devrais-je dire, une esthétique déjà bien en vogue. Dans la salle principale de la galerie Optica, sont exhibées quatre images, grand format, montées sous plexiglas. Le collectif BGL serait-il lui aussi tombé sous le joug de cette manière très branchée de faire? Après la mode des images incluses dans des boîtes lumineuses (à la Jeff Wall), après celle des vidéos sur grand écran, voici que la photo sous plexi serait en train d’avaler tout le milieu de l’art? Même BGL, qui pourtant semblait bien résister aux effets de mode du milieu plus commercial, s’est donc laissé aller à produire des images très proprettes et très vendables? Leur dernière séance de photos pour Pierre Lapointe (ils ont fait la pochette du chanteur dandy) leur serait-elle montée à la tête? Deux des images montrées sont d’ailleurs tirées de cette réalisation. BGL se la joue commercial? C’était d’ailleurs le titre de leur expo en janvier à la Galerie Art Mûr… Pour ce trio de Québec, c’en serait fini du travail installatif expérimental, déroutantes expériences pour le visiteur? Voici venue l’heure des oeuvres-objets plus branchées?
C’est en tout cas ce que le visiteur pourra croire s’il visite trop vite cette présentation intitulée Effet de mode et autres pirateries du genre. Même les cordons de sécurité qui empêchent le visiteur de s’approcher viennent souligner l’aspect plus vénérable, plus inestimable, plus musée de leurs oeuvres photographiques. Mais à ceux qui prendront un peu plus de temps pour visiter cette installation (car il s’agit bien d’une installation utilisant tout l’espace de la galerie et non d’une simple présentation de photos dans une galerie), une surprise sera réservée. Je ne vous dévoilerai pas le punch (plutôt fracassant) du dispositif mis en place par BGL (les trois gars m’ont demandé de garder le secret et m’ont menacé des pires choses…). Mais disons que cette mise en scène parle des effets de mode, de l’art qui un jour est aux cimaises et qui le lendemain est en pleine chute. Pour bien comprendre la mécanique de l’ensemble, vous devrez passer dans la salle adjacente, dans laquelle une machine est installée. Elle est porteuse d’une symbolique certaine: la cote à la hausse ou à la baisse d’un artiste dépend d’une mécanique qui est bien extérieure à l’espace d’exposition et qui est souvent dans l’obscurité.
Cette mise en scène présentée chez Optica est en fait bien plus réussie que celle montée à la Galerie Art Mûr en début d’année. BGL continue d’avoir un sens critique indéniable.
IDENTITÉ MULTIPLE
Il faudra aussi voir à la galerie Optica, dans la petite salle et dans l’espace attenant, l’exposition de Daniel Olson, artiste qui depuis maintenant 20 ans a développé une approche multidisciplinaire originale (comprenant des performances, des installations, des vidéos, des photographies, des sculptures et des multiples parfois minuscules, mais toujours curieux…). Dans Hors de moi, il poursuit une réflexion sur l’artiste et ses doubles. Voilà un thème qui hante Olson depuis bien longtemps. Par exemple, dans son intervention lors de l’événement Artefact, à l’été 2004, il montrait une de ses oeuvres les plus inspirantes, se représentant en promeneur philosophe. Mais je pense aussi à sa série de livres regroupés sur un présentoir (All Son of Olson, oeuvre présentée à la Galerie Christiane Chassay en 2003), livres tous écrits par un auteur ayant comme patronyme Olson.
Olson semble toujours interroger les raisons qui font qu’un individu est devenu ce qu’il est et pas quelqu’un d’autre. Il interroge aussi la limite entre notre identité profonde et notre identité sociale, façonnée par les fictions ambiantes.
Dans cette expo, Olson discute en particulier de la mince limite entre l’image publique, parfois trop théâtrale, que nous souhaitons projeter et la vie réelle qui nous travaille. Cela est particulièrement clair dans son nouveau vidéo Beside Myself (qui dure 54 minutes), où il se dédouble, à la fois écrivain sérieux tapant sur sa machine à écrire et clown tapotant sur un minuscule piano d’enfant. L’artiste serait-il un amuseur public, un magicien pour adultes? Un peu plus loin, dans l’image tirée du vidéo Take Five (2004), Olson rejoue une célèbre image de Duchamp le montrant assis à une table avec cinq clones de lui-même. Olson nous dit alors comment nous sommes finalement toujours confrontés à nous-mêmes et à notre propre personnage.
Jusqu’au 3 juin
Au Centre d’art contemporain Optica
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