Manon Labrecque : Tout ce qui monte
Manon Labrecque est connue pour son travail vidéographique. Pourtant, elle est aussi une animatrice, au sens où elle arrive à animer le non-vivant. Ses oeuvres ont cet aspect à la fois ludique et pathétique qui en dit long sur la vie…
Faire de l’art, n’est-ce pas mettre au monde ce qui autrement n’existerait pas? Donner la vie, la dolce vita. En connaître le coût, et pour cela, vouloir la susciter.
Au fond de la salle, en projection, une danseuse qui cherche l’étourdissement jusqu’à s’affaler de tout son long, qui se relève, chancelante, pour se remettre à tourner, suivant cette tension pathétique qui la projette à nouveau contre le sol. Puis, d’un mouvement inconscient, cherchant à approcher les intrigants objets qui jonchent le sol, le spectateur franchira la limite. Les oeuvres du projet Frictions méditatives, de Manon Labrecque se nourrissent de la présence humaine, lui doivent leur vie éphémère et bruyante. Les mécanismes précis, dans la splendeur de leur fragilité, répètent un mouvement cyclique et sonore jusqu’à ce qu’ils subissent l’affaiblissement inéluctable.
Plus loin, c’est une caresse bien placée, l’ombre douce d’une main, qui insuffle enfin la vie aux êtres gémissants de Labrecque. Chaque oeuvre inspire longuement, tour à tour, frémissant juste assez pour faire entendre sa longue plainte d’accordéon, comme consciente d’un destin pathétique où toute réaction est mécanique. Parce qu’en donnant la vie, on jette un éclairage sur le chemin qui mène à la mort. Leviers et engrenages, systèmes, en viennent donc à s’épuiser, à vivre cette mort, cette inexorable fin, cette chute de l’énergie vitale qui demeure un passage important dans l’oeuvre de Labrecque. Ces choses qu’on voudrait voir continuer à se mouvoir, qu’on voudrait réanimer immédiatement, exigent un temps de repos avant que le cycle ne puisse recommencer, avant que l’oeuvre ne puisse ressusciter. Le visiteur ne pourra qu’être triste de les abandonner à leur sort, ces pantins et autres jouets, qui ne dansent guère que grâce à un respirateur artificiel actionné par sa présence.
La fascination de Labrecque pour le mouvement et la chute, conséquence certaine de ses études en danse, est aussi au centre de son travail vidéographique présenté aux deux extrémités de la galerie. D’un côté, le mouvement arrêté, contraint, une sorte de chorégraphie stabile où le personnage contemplé se regarde à son tour. De l’autre, une vidéo narrée par une bouche au langage incompréhensible, donnant à voir des corps qui se disputent avec la gravité dans une ambiance sonore très recherchée. Une quête aérienne, voire cosmique, de l’envolée. Une visite à terminer sur des points de suspension…
Jusqu’au 28 mai
À Séquence
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