HO de Toni Hafkenscheid : D'un autre point de vue
Arts visuels

HO de Toni Hafkenscheid : D’un autre point de vue

En visitant HO de Toni Hafkenscheid au centre de diffusion et de production de la photographie VU, on se sent rapetisser. Mais c’est pour mieux grandir. Explications.

Hafkenscheid

, Hollandais d’origine, était à la Marcia Wood Gallery de Chicago en 2005. Avant, c’était Toronto, Ottawa, Montréal, et ainsi de suite. Il faut dire qu’il n’en est pas à sa première exposition solo, ni à sa dernière. Ses photos exposées à VU, toujours aussi déstabilisantes, montrent le Canada rural ou de banlieue avec le regard d’un géant. Par exemple, quand on observe scrupuleusement la zone claire de Train+Gun, on voit deux hommes aux longs cheveux assis dans une camionnette qui s’amusent à tirer sur un train qui passe dans l’arrière-plan (tous les arrière-plans de toutes les photos correspondent aux zones floues), qu’on ne voit pas très bien, justement à cause du flou. Dans Diggers on Spadina Ave, la zone claire, située au centre de la photo, nous donne l’impression qu’on a affaire à une construction de Lego, à une maquette ressemblant à un village entouré d’un brouillard aux couleurs vives et saturées. Mais pourquoi diantre altérer les photos de la sorte? La réponse est simple: pour que nous arrêtions de nous prendre pour des géants.

On a souvent tendance à voir notre planète et ses habitants immensément grands et vastes, à se sentir supérieurs. C’est contre cette fausse perception de grandeur que Hafkenscheid se bat, pour qu’on ne se prenne pas pour le Micromégas de Voltaire qui, "quelque accoutumé qu’il fût à voir des choses nouvelles, (…) ne put d’abord, en voyant la petitesse du globe et de ses habitants, se défendre de ce sourire de supériorité qui échappe quelquefois aux plus sages" et, a fortiori, à ceux qui le sont moins.

De la même façon, en voyant les photos falsifiées d’Hafkenscheid, on a envie de le faire, et on le fait, ce sourire de supériorité, tellement les personnages, les maisons et les paysages sont d’un miniature anormal par rapport à nos références. On a l’impression que les personnages sont en cire, les maisons, en carton, et les paysages, en polymères. Or, nous sommes ces êtres, nous habitons ces piaules et nous vivons dans cet environnement minuscule.

De facto, l’effet d’Hafkenscheid est à ce point réussi qu’on a de la difficulté à accepter que ces clichés ne soient en définitive qu’un des reflets possibles de notre réalité. Et pourtant! Ces images ne sont pas le produit d’un montage, ni celui de maquettes prises en photo, ni même le résultat de manipulations informatiques. Non, ce sont de véritables photos de la vie quotidienne, modifiées "génétiquement", trafiquées avec maîtrise.

D’ailleurs, c’est parce que ce maître de la diversion optique n’utilise pas les nouvelles technologies qu’on se doit de le féliciter. D’une part pour cette prouesse technique, et de l’autre, parce qu’il nous donne accès à des perspectives factices autant qu’hyperréalistes.

S’il a été capable d’un pareil subterfuge contradictoire, c’est en brouillant la réalité grâce à des distorsions, à des flous, à des changements d’échelle. Ces méthodes permettent à Hafkenscheid de nous miniaturiser, afin de nous faire prendre conscience qu’à force de vouloir être grand, l’homme a oublié qu’il n’était qu’un grain de sable terrestre.

Jusqu’au 4 juin
À VU
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VIVE LE CINÉMA QUÉBÉCOIS

La ministre de la Culture et des Communications et tous les artisans du cinéma étaient pour une fois d’accord sur un point le 2 mai 2006, lors du vernissage au Musée de la civilisation d’une programmation double, L’Aventure cinéma et Studio cinéma.

Cet accord concernait la qualité de notre cinéma et la brillante idée du Musée de la prouver. En plus de mettre en évidence cette qualité, le Musée montre aussi pourquoi la réalisation de ces expositions s’imposait. En effet, "ces deux expositions étaient devenues nécessaires, comme nous le disait la ministre Line Beauchamp, parce que le cinéma vit en ce moment ses plus belles années".

Et on s’aperçoit rapidement de cette vivacité cinématographique au Québec en se promenant d’une exposition à l’autre. Même "si elles sont différentes, les deux expositions sont aussi agréables l’une que l’autre", nous affirmait sans ambages Karine Vanasse. Le monde du cinéma regroupant deux grandes équipes, l’une devant les caméras et l’autre derrière, le Musée a fait le juste choix de donner à chacune d’elle une exposition. L’Aventure cinéma pour ce que nous avons vu, Studio cinéma pour ce que nous n’avions jamais vu.

On aurait pu s’attendre à des propos tempérés de la part de réalisateurs chevronnés, tels que Charles Binamé. A contrario, l’homme ne manquait pas de propos élogieux pour caractériser le travail du Musée. Il était résolument ravi: "C’est vraiment incroyable, de ce que j’ai vu, je suis impressionné."

Impressionnant, certes. Dès la première exposition, on profite de centaines d’extraits vidéo et de dizaines de costumes et d’objets de tous genres. On nous en donne beaucoup, et on aime ça. C’est alors qu’on en redemande. On se fait diriger vers la deuxième salle. Puis là, la magie prend forme. À voir, à écouter et, surtout, à toucher… Jusqu’au 15 avril 2007 (Studio cinéma) et jusqu’au 3 septembre 2007 (L’Aventure cinéma).