Clarence Gagnon : Un talent aux mille couleurs
Arts visuels

Clarence Gagnon : Un talent aux mille couleurs

Le peintre Clarence Gagnon et sa peinture sont à l’honneur au Musée national des beaux-arts du Québec. Retour sur un des plus grands monuments de notre jeune histoire de l’art.

Si l’on dit que le peintre et ses peintures sont à l’honneur, c’est non seulement parce que le MNBAQ nous propose une grandiose exposition des plus belles peintures, gravures et illustrations de Gagnon (200 oeuvres), sous le titre Clarence Gagnon. Rêver le paysage, mais aussi parce qu’il nous offre, en plus, le plus beau catalogue d’exposition de l’été. Sont ainsi à l’honneur et sa production artistique, et l’homme derrière le pinceau. En effet, la recherche effectuée par les deux commissaires de l’exposition, Hélène Sicotte et Michèle Grandbois, afin de donner le juste reflet de la production et de la vie du célèbre peintre canadien, n’a d’équivalent que l’immensité de l’ouvrage. On ne fait pas les choses à moitié au Musée quand il s’agit de l’histoire de l’art du Québec. Et c’est tant mieux comme ça.

C’est pourquoi il faut s’attendre à en avoir pour son argent, et plus encore, lors de notre visite. On n’avait pas vu pareil chantier historique sur Gagnon depuis la rétrospective organisée l’année du décès de l’artiste (1942). Et quel artiste! Le parcours de Gagnon est exemplaire. Le peintre fait ses études à Montréal. Il va ensuite rejoindre la Ville Lumière, où il voit sa carrière propulsée (1904-1908) après avoir reçu un prix (une mention honorable pour ses gravures – une magnifique série d’eaux-fortes, très rembranesque) pendant le prestigieux Salon de la Société des artistes français en 1906. Cette propulsion le mène jusqu’à une exposition solo à la Galerie A.M. Reitlinger de Paris, en 1913. C’est à l’occasion de celle-ci que les Français vont découvrir l’hiver laurentien à travers l’esthétique de Gagnon. Le charme du regard neuf du paysagiste des régions (Charlevoix) de la Belle Province fait son effet, et l’entraînera à passer 17 ans de sa vie à Paris, dans un atelier qu’il ne quittera que pour aller peindre les régions européennes (Normandie), revenir au Québec et voyager. Car les voyages font partie du parcours de l’esthète laurentien.

L’exposition est donc un voyage dans le temps, dans l’espace et, surtout, dans la douce beauté de la précision impressionniste de Gagnon. La photo en est à ses premiers balbutiements et le travail du peintre de l’époque consiste encore à représenter la réalité telle qu’elle est ou telle qu’elle apparaît à ses yeux. C’est ce qui fait en sorte que le travail de minutie, d’observation, de réflexion – tellement profond qu’on a parfois besoin de loupes (le Musée les fournit) pour admirer les oeuvres gravées – est ce que commande le métier de paysagiste. Or, les peintures et les gravures de Gagnon ne sont pas que le produit d’un travail ascétique, elles relèvent d’une passion: la passion du paysage.

De la Matinée d’hiver à Baie-Saint-Paul à La Plage à Dinard, en passant par la Rue du canal, Moret-sur-Loing ou le Canal San Agostino, Venise, on ne peut qu’être séduit par le talent du peintre de tous les pays, âges et saisons (La Clairière, La Maison rouge, Chaland sur un canal, Trappeur dans la forêt), de tous les instants (Danseuse espagnole), sans oublier les illustrations de livres, dont celles du fameux Maria Chapdelaine de Louis Hémon. Un passage obligé, pour une exposition ensoleillée. Encore un succès du Musée.

Jusqu’au 10 septembre 2006
Au Musée national des beaux-arts du Québec
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DÉTRUIRE POUR MIEUX RECONSTRUIRE

Tel aurait pu être le titre le l’exposition Oripeaux², présentée dans l’atrium de la Bibliothèque Gabrielle-Roy. Car le concept de cette parade de mode de mannequins immobiles est justement celui de la déconstruction. En élaborant des vêtements pour femme à partir de complets trois pièces pour homme, la designer Kim Kneipp veut donner un seconde vie aux vêtements usagés, mais dans une forme différente. Ainsi, elle veut montrer comment on peut passer d’un cadre rigide d’uniformité, grâce à la liberté de transformer, à de nouvelles formes esthétiques. Rien n’est figé après cet exercice original, et on sent et respire la nouveauté, même si elle n’est qu’imaginaire. Jusqu’au 28 juin.

SUGGESTIONS PEINTURE

Deux expositions valent le déplacement et méritent notre attention: la première, c’est celle qui est juste à côté (10 mètres) des mannequins de la Bibliothèque Gabrielle-Roy et qui regroupe les 18 gagnants du concours d’oeuvres d’art de la Ville de Québec. Quoi dire de plus que félicitations; autant de beauté réunie sous un même toit, quelle belle initiative de la Ville (jusqu’au 18 juin). Enfin, l’exposition d’illustrations Bestiaire, présentée dans le cadre du festival Vitesse Lumière, basée sur l’interprétation de six descriptions textuelles de monstres, donne des frissons dans le dos et du sang dans les yeux. Sensations fortes garanties. Âmes sensibles, s’abstenir. Au Temps Partiel, jusqu’au 30 juin.