L'art africain : Le centre et la périphérie
Arts visuels

L’art africain : Le centre et la périphérie

L’art africain trouve un espace au Musée des beaux-arts, qui lui dédie de toutes nouvelles salles. Remise en question d’une vision européocentriste?

Cette semaine, à Paris, le Musée du Quai Branly, institution consacrée aux "arts premiers", ouvrira officiellement ses portes. Même si cette appellation ne plaît pas à tous, elle a l’avantage de remplacer celle d’"arts primitifs" qui, tous en conviendront, était plus qu’arrogante. Est-ce un signe que l’Occident s’ouvre véritablement à la culture des autres (sans tomber dans l’exotisme) et tente de repenser les notions de centre et de périphérie ainsi que celle, plus délicate, de progrès culturel?

En tout cas, cet été à Montréal, les visiteurs des musées pourront le croire. Au Musée d’art contemporain, Brian Jungen s’inspire des masques amérindiens, et au Musée des beaux-arts (MBA) deux nouvelles salles qui viennent d’être inaugurées sont dédiées entièrement à l’art africain. Que pourrez-vous y voir? Entre autres, une Figure asie usu qui servait "de demeure aux esprits colériques de la brousse", une Statue magique d’ancêtre du Nigeria, un Ibis funéraire double monumental de Madagascar, un Cimier de danse à deux têtes du Cameroun… Des pièces de haut niveau. Il faut dire que le MBA s’est servi de sa propre collection (élaborée, à partir de 1940, par F. Cleveland Morgan, conservateur des arts décoratifs), à laquelle furent associées des pièces du Musée Redpath (de l’Université McGill) et de la surprenante collection du Cirque du Soleil (son directeur, Guy Laliberté, aimant particulièrement ce type d’art).

Le résultat ne manque pas de panache. L’ensemble a été installé avec brio par Christiane Michaud, qui a aussi signé, par le passé, les scénographies pour les expositions sur Catherine la Grande, le paysage en Provence, l’art égyptien (en provenance du British Museum)… Michaud a osé une présentation plus dramatique avec des éclairages très dirigés qui donnent à l’ensemble un aspect plutôt théâtral.

Ce réaménagement permet au MBA de consolider sa vocation encyclopédique, sa volonté de montrer l’art de toutes les époques et de tous les pays. Le musée est-il assez grand pour prétendre faire cela avec justesse, d’une manière exhaustive? Ce type de présentation n’a-t-il pas un effet réducteur un peu gênant? Peut-on parler aussi facilement d’"art africain"? Que dirions-nous d’une expo nommée "art européen" (ou "art occidental") présentée en Afrique et qui regrouperait quelques dizaines d’oeuvres françaises, anglaises, allemandes et grecques? Voilà des questions qui mériteraient de longues discussions. Pour l’instant, nous constatons que cette présentation ne manque pas de pertinence, mais qu’elle conserve peut-être justement un peu un regard européocentriste.

En conférence de presse, le directeur du MBA, Guy Cogeval, faisait remarquer avec justesse l’importance de l’art africain pour l’art moderne. Et c’est peut-être cela qu’il faut garder en tête lorsqu’on visite cette présentation. D’autant plus que, des trente-six oeuvres de la collection du Cirque du Soleil, certaines proviennent de collections importantes du 20e siècle, comme celles montées par Paul Guillaume, par Charles Ratton ou par Helena Rubinstein… Le musée aurait d’ailleurs dû souligner davantage cet aspect des choses. Malheureusement ou heureusement, l’art doit aussi être considéré en fonction de la réception qu’on lui réserve selon l’époque: on ne peut faire abstraction des rapports historiques entre les cultures.

Au Musée des beaux-arts de Montréal
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