Lucie Duval et Céline B. La Terreur : Entre bonnes mains
Arts visuels

Lucie Duval et Céline B. La Terreur : Entre bonnes mains

Lucie Duval et Céline B. La Terreur sortent respectivement leurs gants et leurs griffes pour deux expositions simultanées très bien ficelées, toutes deux présentée à la Galerie Joyce Yahouda.

LES GANTS CHINOIS DE LUCIE DUVAL

Elle fait souvent de la poésie amoureuse et coquine, Lucie Duval. On se rappellera notamment ses petites poupées copulatoires de 2004, faites de tissu capitonné, ressemblant à des jouets pour enfants mais cousues ensemble dans des positions non équivoques.

Ici, avec Mainmises, il y a d’abord les vêtements, fabriqués de gants de coton cousus ensemble. Posés sur des mannequins de couture, ils deviennent sculptures: robe de soirée, de mariée, foulard, bustier… Au fond, une très grande courtepointe aux doigts entrelacés couvre pratiquement tout le mur. De véritables cascades de gants dont on oublie presque l’usage premier: "Les vêtements sont tout à fait portables!", assure l’artiste. Pourquoi pas? En effet, c’est joli et toutes les pièces sont reliées par des velcros.

Il y a ensuite les photos. Toutes les photos reprennent une oeuvre presque grandeur nature. Sur chacune d’elles figurent le titre et quelques mots de définition d’un vocabulaire relationnel parfois détourné pour désigner la lutte de pouvoir: Emprise, Manipulation, Manoeuvre, Ravir, Entretenir

Sous-tendant toute l’exposition, il y a surtout cette référence aux travailleurs chinois. Tous les vêtements sont composés de gants blancs de travailleurs "Made in China". Il y a là une représentation symbolique de toutes ces mains par lesquelles nos vêtements passent pour être teints, cousus, transportés, etc., avant d’arriver jusqu’à nous. L’effet est saisissant et l’idée de ces mains qui se posent virtuellement sur nous est excellente, car elles définissent les contours du corps et sa présence dans l’espace.

Tous ces gants juxtaposés évoquent à eux seuls autant de références sémantiques et de jeux de mots qui sont chers à l’artiste: main-d’oeuvre, fait main, cousu de fil blanc, de fil en aiguille, etc.

LES MAINS GRIFFUES DE CÉLINE LA TERREUR

Alors que Duval fait dans l’ironie poétique, Céline B. La Terreur verse franchement dans le cynique, ce qui ne l’empêche étonnamment pas d’être rigolote: dans une deuxième salle nous attend son Glamorama. Cette collection parle des contradictions qui caractérisent les tendances de la mode, des phénomènes sociaux qui les accompagnent et de l’accumulation d’images hétéroclites auxquelles nous sommes exposés chaque jour.

À partir d’oeuvres minimalistes recréées avec des faux ongles colorés, l’artiste assortit à chaque peintre "parodié" le dessin – elle a d’ailleurs un excellent coup de crayon – d’une femme qui lui est à peu près contemporaine. On retrouve ainsi les couples Piet Mondrian-Anna Pavlova, Frank Stella-Maria Callas, Marilyn Monroe-Barnett Newman, Brigitte Bardot-Daniel Buren, Serge Tousignant-Lise Watier. Suit une série de tableaux laqués noir où quelques faux ongles solitaires grattent la surface en laissant des traces et des coulisses de vernis.

Vraiment drôle aussi, le texte de présentation qui est délibérément écrit de manière à ce que la lecture en soit exagérément difficile. Dans un vocabulaire excessivement spécialisé et avec des tournures de phrases on ne peut plus ampoulées, on nous explique la pratique esthétique de Céline à la manière d’un commissaire ou d’un historien de l’art qui en aurait fait un peu trop…