Maurice Savoie : Éclectique alchimie
Maurice Savoie a gagné le prix Paul-Émile-Borduas en 2004. Les raisons de cette reconnaissance: son talent, son médium, la céramique, et la beauté ludique de son oeuvre.
Ce prix est décerné chaque année par le gouvernement du Québec, pour récompenser la carrière d’un artiste en arts visuels. En l’invitant à présenter ses plus récentes oeuvres à l’OEil de poisson, la Manifestation internationale d’art de Québec ne fait pas seulement l’honorer pour l’ensemble de son oeuvre, mais nous offre une des expositions de sculptures des plus formidables, des plus accessibles et des plus rafraîchissantes de l’été.
C’est sous le commissariat de Lisanne Nadeau qu’a pris forme le projet Pharos, qu’on présente à partir de ce soir, 22 juin, dans les grande et petite galeries de l’OEil de poisson du Complexe Méduse. Au moment d’écrire ces lignes, la commissaire, l’artiste et l’équipe de montage s’affairaient à assembler l’exposition. Et comme nous l’avons constaté, ce n’est pas une mince affaire que d’installer les monstres de porcelaine, les chars allégoriques miniatures ou la série Pharos (une quinzaine de minuscules phares aux formes oniriques) de Savoie. C’est que le travail du sculpteur est fait de minutie et de précision. Chaque oeuvre est composée de plusieurs petits matériaux, eux-mêmes composés de plusieurs petits matériaux… Savoie récupère, réutilise, trouve une utilité artistique à tout ce qu’il touche, et transforme l’inertie en force gravitationnelle, transmute l’inutile en magnifiques objets d’art. Autrement dit, tout ce qu’il touche se change pour devenir objet esthétique.
Mais si cet artiste originaire de Sherbrooke est capable de tels tours de force, ce n’est pas parce qu’il est alchimiste (et qui sait, peut-être l’est-il?), c’est parce qu’il a en arrière de lui une solide expérience. Après avoir fait ses études à l’École du meuble de Montréal (1956), juste après le départ (ou plutôt le renvoi) de Borduas, il quitte le Québec pour un premier stage en Italie. De retour au Québec, il crée, pour le pavillon du Québec à Expo 67, selon les termes de Nadeau, "un rideau de porcelaine constitué de petits cylindres de terre rappelant les seaux mésopotamiens", pour la chancellerie du Canada à Belgrade une murale de béton et de céramique (Le Fleuve, 1983-1984), et ainsi de suite jusqu’à aujourd’hui, avec la même fougue, le même talent, la maturité et l’expérience en plus.
C’est pourquoi il ne faut pas manquer d’aller voir cette exposition parfois cosmique, d’autres fois délibérément puérile, jamais austère, toujours à la portée de tous. Ce n’est pas le genre d’artiste hermétique, qu’on ne peut comprendre sans le manuel qui l’accompagne. Au contraire, c’est une oeuvre ouverte sur le monde. Quand on parcourt cette exposition, on n’en ressort pas indemne.
Quand on entre dans la petite galerie et qu’on lit Ah! Comme la neige a neigé, on vit un moment sous l’hiver de Nelligan grâce aux centaines de flocons de porcelaine accrochés au plafond. On pénètre ensuite sur le terrain de jeux, univers de Savoie. Que de plaisirs visuels vivons-nous alors, que de charmes fusant de toutes parts. Vive la céramique et sa malléabilité, que seuls de grands artistes peuvent maîtriser à la perfection…
Du 22 juin au 13 août
À l’OEil de poisson
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DE L’AUTOBUS À LA CRÉATION ARTISTIQUE
C’est dans le cadre du 10e anniversaire des Journées de la culture qu’a vu le jour Les Convertibles. Cette expérience se déroule en même temps dans 10 municipalités de la Belle Province. Le projet: 10 autobus qui seront, et ce pendant tout l’été, transformés par une pléthore d’artistes venant des 10 régions sélectionnées. À Québec, c’est le duo formé par Jean-François Cooke et Pierre Sasseville qui assure la transformation. Leur idée, faire une allée de quilles agrémentée par une ambiance de salon funéraire. On peut les voir travailler à la conversion de l’autobus tous les mercredis, de 10h à 15h, au Domaine Maizerets, jusqu’au début septembre. Après, les 10 autobus se retrouveront en face du Musée national des beaux-arts du Québec (les 29, 30 septembre et 1er octobre).
SUGGESTION SCULPTURES
Le collectif Archipel présente des oeuvres sculpturales aux formes volumétriques (celles qui sont à la Parisian Laundry, Montréal) ainsi que des oeuvres aux allures abracadabrantesques (celles qui sont à la Galerie Orange, Montréal, mais aussi à l’autre galerie, avec la grandeur en moins). Il faut dire que le collectif a pour père fondateur un artiste de la région de Québec, Jean-Pierre Morin, sculpteur talentueux qui a su regrouper une myriade d’artistes (Michel Archambault, Valérie Blass, Jean-Pierre Bourgault, Yvon Cozic, Monic Brassard, Mathieu Gaudet, Peter Gnass, Guy Laramée, John McEwan, Denis Rousseau, Bill Smith et René Taillefer) pour insuffler à ce projet des ailes de métal, des plumes de bois et des corps de tissus. Vous en aurez le souffle coupé. Du 20 juin au 15 juillet à la Galerie Orange et du 22 juin au 22 juillet à la Parisian Laundry à Montréal.