Olga Chagaoutdinova : Chaîne de montages
Olga Chagaoutdinova, jeune photographe dans la trentaine, est à l’affiche de la Galerie Trois Points. Postmodernité de l’assemblage visuel.
Dans ses images, les amateurs pourront voir une certaine similarité avec l’esthétique de plusieurs photographes très actuels. Malgré qu’elle soit relativement jeune et qu’elle vienne tout juste de compléter une maîtrise en photographie à l’Université Concordia, Olga Chagaoutdinova sait néanmoins très bien jouer des codes visuels de la photographie contemporaine internationale.
Elle réalise des clichés très précis, d’une netteté et d’une limpidité presque maladives, présentés avec un fini très léché, lumineux, brillant comme un miroir ou une fenêtre bien lavés. Le monde ne se dérobe pas à son oeil ni à l’objectif de la caméra postmoderne qu’elle sait manier. Les couleurs y sont très vibrantes, d’une intensité marquante. Comme bien des photographes contemporains, elle est aussi fascinée par l’architecture ou par des ensembles décoratifs qui se révèlent porteurs de valeurs sociales. Il y a dans ses photos un aspect documentaire qui par un je-ne-sais-quoi virevolte tout d’un coup en une forme d’esthétisation très soulignée.
Décrites ainsi, ses images pourraient faire penser à celles de l’Allemande Candida Höfer. Mais il y a un excès, un manque d’unité visuel, une esthétique trop kitsch chez Chagaoutdinova pour que l’on puisse vraiment associer sa création à celle de la célèbre artiste. À voir les photos de Chagaoutdinova, le visiteur comprendra même encore mieux ce qu’il y a d’embourgeoisé chez la photographe allemande et dans l’école de Düsseldorf montée par les Becher. Il y a toujours une grandeur visuelle indéniable dans cette esthétique germanique actuelle. Le travail de Chagaoutdinova est un peu moins thrash que cela, il est en fait plus proche de celui de l’Anglais Richard Billingham. Chagaoutdinova semble elle aussi montrer la banalité du monde et un certain mauvais goût qui l’habite.
Les espaces qu’elle décrit sont totalement hétéroclites dans leur structure. Un exemple: une chambre avec un lit très rococo et tarabiscoté où l’on retrouve une chaise moderne et épurée, un papier peint très années 70 avec des palmiers surplombant une plage de sable blanc et, détail suprakitsch, une télécommande de télé enveloppée dans du plastique et posée sur le lit…
Les décors qu’elle nous exhibe, constitués de mobiliers divers, de styles architecturaux composites, de collections de livres ou d’objets éclectiques, m’ont fait penser à ce que me disait, il n’y a pas si longtemps, la photographe Isabelle Hayeur lors de l’expo Territoires urbains au Musée d’art contemporain. Elle expliquait alors comment "tous les espaces dans lesquels nous vivons sont des montages". Nos vies sont un peu comme un montage photo ou cinématographique. Nos intérieurs se construisent de la même manière, les meubles sont un collage des époques de notre vie, de nos souvenirs… Nos vêtements aussi suivent cette règle. Olga Chagaoutdinova montre cela avec justesse. Une artiste à suivre.
Jusqu’au 30 juin
À la Galerie Trois Points
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