Samuel Roy-Bois : Intérieur sous surveillance
Samuel Roy-Bois a pris demeure au Musée d´art contemporain. Il nous y présente nos espaces privés comme étant plus inquiétants que prévu.
"Inquiétante étrangeté": cette expression consacrée par Freud a été souvent utilisée en art moderne et contemporain. Mais en fait, il n’a pas fallu attendre le célèbre psychanalyste pour que l’art joue de cette mécanique qui consiste à rendre étrange ce qui est familier et à parler de situations limites pour la conscience. Dès le Romantisme, le sublime et l’innommable servent à cela, et, par exemple, la folie devint un sujet possible.
L’artiste québécois Samuel Roy-Bois, dans son solo au MAC, travaille lui aussi avec force ce concept. Il nous amène à jeter un nouveau regard sur ce qui pourrait sembler être des espaces rassurants. Jugez par vous-mêmes. Dans la salle "projet", ce qui ressemble à deux petites maisons, deux petites architectures, tournoie lentement sur lui-même, plongé dans une semi-obscurité, éclairé seulement de l’intérieur, ce qui leur donne un aspect rayonnant, presque merveilleux.
Dans leur lent pivotement, dans cette manière ostentatoire par laquelle elle sont exhibées, ces maisonnettes font penser à ces nouveaux modèles de voiture que l’on montre au Salon de l’auto. Pourtant, ici, dans cette installation intitulée Satellites, quelque chose cloche.
Au fur et à mesure que le spectateur s’avance dans la salle et que ces petites constructions se meuvent, le merveilleux se transforme lentement en fantastique et en effrayant. Ces maisons ne sont en fait guère invitantes. On aurait pu croire à des maisons de poupées ou à des espaces modèles, mais elles évoquent plus des maisons hantées. Leur apparence extérieure n’est pas si agréable. Elles sont comme dépiautées, leurs murs extérieurs absents (retirés?) pour d’étranges raisons, seuls des matériaux d’isolation leur tiennent lieu d’habillement. Et puis, cette lumière est trop soutenue et l’espace intérieur est dépourvu de tout, aucun meuble n’y est installé. Dans ce dispositif, il y a quelque chose du décor de la cellule d´observation… L’émission Loft Story n’est pas loin. L’isolant extérieur semble empêcher les sons de se propager hors de ces habitacles. Quelqu’un qui y serait prisonnier semblerait ne pouvoir se faire entendre de personne!
Cette atmosphère presque psychiatrique est aussi présente dans la seconde oeuvre exposée par Roy-Bois et qui s’intitule Ghetto. Là encore, le sentiment de voir des cellules d’observation pour expériences médicales ou psychologiques est très fort. Une seule cellule est cette fois présente, mais elle est bien plus petite. Un petit lit en occupe toute la superficie. Le spectateur peut y entrer et y ressentir un fort sentiment de claustrophobie. Non, ce n’est pas une chambre-cabine comme on peut en voir dans certains hôtels au Japon et que l’artiste aurait importée. Il s’agit de montrer nos espaces intimes comme étant sous surveillance, infiltrés par l’oeil de je ne sais quel sociologue, scientifique ou savant fou menant des expériences sur le confinement ou sur la vie dans des appartements trop petits.
Même si le travail de Roy-Bois peut faire penser aux interventions de certains artistes actuels (en particulier, Ghetto évoque le travail d’Andrea Zittel, qui avait cet hiver une minirétrospective à New York), il n’en retient pas moins l’attention. Un jeune artiste au talent indéniable, qui mérite qu’on le surveille de près.
Jusqu’au 20 août
Au Musée d’art contemporain
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