Alessandro Bavari : Cités Retrouvées
L’artiste italien Alessandro Bavari revisite en noir et blanc les villes de Sodome et Gomorrhe avec une bonne dose de poésie surréaliste et décadente.
Comme son nom l’indique, la Galerie Dentaire est un espace tout à fait étonnant qui combine un cabinet de dentiste et une galerie d’art. C’est dans le cadre du Festival Montréal en Arts que nous y sont présentées, pour la première fois au Canada, des oeuvres du photographe Alessandro Bavari.
Pour tout dire, Bavari crée des mondes désopilants. Architectures, paysages, matières humaines et animales se mêlent pour produire des interstices spatio-temporels délirants. Il compose ses images en photographiant des objets organiques ou industriels qu’il manipule à l’aide de logiciels graphiques. Ses photos, présentées ici marouflées sur aluminium, nécessitent un long temps d’arrêt, et même après plusieurs minutes d’attention de lecture, on sent très bien qu’on n’a saisi qu’une infime partie de la scène.
L’OEIL DE L’EXPLORATEUR
L’exposition Sodome et Gomorrhe nous offre une sorte de chronique depuis ces deux cités perdues. On ne sait rien de la véritable histoire de ces villes jumelles, et la seule mention connue de leur existence est la narration qui en est faite dans la Genèse. Par des extrapolations visuelles et historiques, l’artiste aborde son sujet en nous proposant un itinéraire de visite à la manière d’un Calvino dans ses Villes Invisibles ou d’un ethnologue de terrain: "J’ai constitué un dossier sur les objets, un autre sur les animaux, un sur les habitants, un sur les figures historiques et un sur les héros mythologiques, un sur les quatre saisons et un sur les cinq sens". On dit qu’à Sodome et Gomorrhe, les habitants vivaient dans une absence totale de morale (judéo-chrétienne), complètement dévoués à la luxure alors que les perversions sexuelles étaient considérées comme autant de talents. C’est dans un parcours inventé à travers ces lieux, où les croisements génétiques étranges s’accumulent au fil du temps pour composer d’innommables personnages, que Bavari imagine des habitants heureux, créatifs et curieux. Avec une pointe d’ironie sinistre, il observe comme de l’intérieur un gigantesque cirque de monstruosités esthétisées, une prolifération de vie chaotique, exubérante et lumineuse.
On assiste ainsi à la (re?)naissance d’un univers insensé et facétieux. Des jeux d’échelle, des scènes incompréhensibles, des femmes ailées, des corps nus, tronqués, du sang et des rires. Une progéniture, qui n’est pas sans rappeler Tim Burton, Claude Cahun ou H.R Giger, est mise en scène dans un univers d’accumulations baroque: de la pellicule brûlée, des constructions impossibles, des iguanes qui changent de peau et des poupées cassées. Sur une plage, des gens enterrés nous saluent. Un oiseau fait son nid dans la tête d’un personnage et des femmes-léopards attendent leurs proies. Dans l’esprit d’Alessandro Bavari, ces villes vivent toujours, et il nous donne à voir ce dont elles auraient peut-être l’air maintenant, après plusieurs millénaires d’évolution. www.galeriedentaire.com et www.alessandrobavari.com
Jusqu’au 5 août
À la Galerie Dentaire
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