Libby Hague : À cheval entre le bien et le mal
Libby Hague présente à la galerie Engramme Everything needs Everything. Cette installation de gravure sur bois se veut l’expression d’un espoir: les humains sont capables d’exploits héroïques.
Quand on plonge dans l’univers de Libby Hague (Marion MacMahon Award en 2002, troisième prix du Great Canadian Printmaking Competition en 2004, et plusieurs autres distinctions), et qu’on rencontre son oeuvre (vidéos, installations, participation à de multiples expositions au Canada et à l’étranger), on ne peut faire autrement que de s’apercevoir de la complexité, de la fragilité et de l’effritement de la civilisation contemporaine.
Ici, à Québec, elle nous offre sa vision d’un monde "civilisé" en perdition: graffitis, immeubles à logements, gratte-ciel, feux, cris, déluges, routes, attentats, ponts et échangeurs, êtres humains bons et mauvais. Hague n’oublie rien pour nous faire voir un certain paradoxe de la cité… Ni complètement mal ni absolument bien, les villes ont des histoires, parfois heureuses, d’autres fois tragiques.
C’est cette tragédie historique de la souffrance terrestre qu’elle veut nous raconter par le truchement d’une vaste muraille aux couleurs citadines. Pour ce faire, l’artiste de Toronto évoque successivement, à travers une "imagerie fragmentaire", la destruction apocalyptique de la société par le terrorisme et les flammes, les conséquences d’un tel cataclysme, à savoir l’apparition d’une névrose sociale. Or, il reste une possibilité: surmonter toutes ces épreuves par la force de l’effort anthropique, caractérisé par la gymnaste qui saute d’imagerie en imagerie, et donc d’immeuble en immeuble.
C’est pourquoi son oeuvre comprend plusieurs gravures, qu’elle aligne selon un ordre qui répond au gré de son inspiration. Les arrière-plans de papier représentent des décors de béton, de barbelés ou de pylônes brisés. Et plus on avance, plus grande devient l’aide salvatrice de l’eau (des lanières de papier accrochées au mur), qui se déverse en avant-plan, tantôt en pluie diluvienne, tantôt en ruisselantes gouttelettes. C’est d’ailleurs grâce à l’eau, tout simplement, que peut s’élancer l’héroïne gymnaste afin de sauver les enfants enfermés dans leur impuissance, acte héroïque par excellence. Elle tombe d’on ne sait où. Elle chute, mais reprend toujours pied. Comme si les seuls efforts de ses muscles suffisaient à vaincre le mal.
De la même façon que l’Homme est capable des plus grandes et des plus vertueuses actions, il peut aussi être l’artisan de vicieux et horribles gestes. Heureusement, nous dit Hague, il reste un espoir: celui de ceux et celles qui font des efforts "gymnastiques" pour un monde meilleur, malgré la souffrance qu’ils doivent affronter. L’incipit de sa muraille aurait donc pu être le suivant: labor improbus omnia vincit.
Jusqu’au 27 août
À la galerie Engramme
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