Jocelyn Robert : Réanimation
Jocelyn Robert présente ses récentes vidéos à la galerie Séquence depuis le début de l’été. Ses techniques de réanimation et de métissage d’images apportent un aspect particulier à ses oeuvres…
Ces sons qui surprennent dans la rue, qui déroutent une réflexion ou une conversation, qui intriguent et qui invitent. Déjà, l’oeuvre de Jocelyn Robert se fait entendre dans la rue, cherche à détourner vos pas. L’art ne respecte plus ni les frontières ni les murs.
Si vous passez après la fermeture de la galerie Séquence, vous pourrez tout de même apprécier la vidéo intitulée Roue à aube, montrant deux mouvements rotatifs, celui des pas d’un homme et celui d’un escalier en colimaçon. Aucun flux pour faire tourner cette roue, que celui du mouvement qui est reproduit.
Robert s’intéresse beaucoup au mouvement. Une partie de son travail consiste en effet à figer une séquence vidéo en plusieurs centaines d’images pour ensuite les réutiliser selon les techniques d’animation traditionnelles, comme si le mouvement était ainsi ressuscité, réanimé artificiellement. Un travail de moine qui lui permet d’entrelacer les images de vidéos différentes, leur apportant un aspect tantôt clair, tantôt fantomatique, leur donnant du même coup cette allure saccadée que vous reconnaîtrez immédiatement.
Les vidéos de Robert sont engagées, au sens politique du terme, même si de prime abord le propos ne se révèle pas avec évidence. C’est souvent le rapport qu’entretient l’oeuvre avec son titre qui lève le voile sur les interrogations de l’artiste, résultant de l’expérience accumulée lors de nombreux voyages à l’étranger.
Lorsque le titre n’est pas lui-même une piste sérieuse pour une telle lecture, c’est le rapport entre les oeuvres qui force à réfléchir. Ainsi, Silence – les portraits vidéographiques miniatures de ces gens forcés de se taire le plus longtemps possible -, mis en contexte avec des oeuvres aux titres référant à des causes connues comme Kyoto ou Mai 68, a une portée politique qui ne peut qu’être assumée. Lorsque les visages disparaissent, sans avertissement, pour ne laisser qu’un écran anthracite insistant, l’effet de leur absence soudaine est tout simplement bouleversant.
Dans une projection intitulée Les Gestes de l’homme libre, les images encore une fois saccadées représentent des pas qui avancent, mais qui demeurent aussi la trace d’eux-mêmes, à la fois figés et en mouvement. Que faut-il déduire de ce que pense l’artiste de la liberté si les pas, en plus de ne pas donner l’impression de véritablement avancer, semblent tourner en rond?
L’aménagement de la galerie aux fins de l’exposition place le visiteur dans des situations cocasses. Alors qu’il peut s’asseoir dans un fauteuil confortable pour apprécier Mai 68, il devra se pencher dans un espace restreint pour apercevoir la projection délinquante Kyoto, sous un bureau de travail, comme si les grands dossiers d’hier étaient plus faciles à envisager que ceux d’aujourd’hui. Peut-être est-ce parce que les soixante-huitards leur donnaient tout simplement plus de place?
Dans tout ça, la vidéo la plus déconcertante est probablement celle intitulée Alberta Goes to School, nous montrant un tamia en plein régal… Certainement une exposition à voir pour ceux qui aiment se questionner.
Jusqu’au 20 août
À la galerie Séquence
Voir calendrier Arts visuels