La Photographie mise en scène : Le monde irréel
Arts visuels

La Photographie mise en scène : Le monde irréel

L’exposition grandiose La Photographie mise en scène. Créer l’illusion du réel est présentée en grande pompe cet été au Musée des beaux-arts du Canada.

Il y a de ces expositions qui, comme celle-ci, peuvent paraître anodines . Le Musée des beaux-arts du Canada (MBAC) présente une belle brochette de photographies des plus grands photographes de l’histoire – Oscar Gustave Rejlander, Julia Margaret Cameron, Lewis Carroll, Cindy Sherman, Jeff Wall, Yasumasa Morimusa, Man Ray, Duane Michals et beaucoup d’autres -, tous réunis sous un même thème: le côté narratif de leur démarche. Si l’on ne regarde pas de plus près et si l’on ne fait pas attention aux implications d’un tel thème pour la photographie, nous manquerons l’essentiel de la fonction critique de certains de ces artistes.

Le titre de l’exposition, La Photographie mise en scène. Créer l’illusion du réel, est contradictoire en quelque sorte, car de prime abord la photographie est un reflet fidèle de la réalité, et, de plus, elle en constitue un calque sans équivoque. On pourrait penser que ces artistes, qui cherchent à mettre en scène le réel, refont de la peinture et font régresser la photographie vers des canons de la représentation vieux d’un demi-millénaire. Eh bien, non! C’est plutôt le contraire qui se passe. Beaucoup de ces artistes travaillent autour de l’idée qu’il existe des faces cachées à notre perception de la réalité, en raison de la subjectivité.

Ainsi, le MBAC a décidé d’exposer ces oeuvres en fonction de trois démarches thématiques: l’acteur, où le photographe prend part directement à la narration; l’artiste, un thème articulé autour de l’idée de l’appropriation d’oeuvres; et le conteur, qui, tout comme la peinture de genre, tente d’éduquer par un enseignement moral. Quoique l’on nous présente ces thèmes séparément, les visées, ici, sont les mêmes: visiter les limites entre la narration de la réalité et les lois de la représentation.

Prenons, par exemple, les oeuvres de l’une des artistes des plus intéressantes parmi ceux présentés: Cindy Sherman. Sa démarche est d’abord très révélatrice de ce dernier imbroglio entre la narration de la réalité et les lois de la représentation. Dans ses photographies, elle met en abyme la représentation du réel, tel que l’on nous le présente sous la forme cinématographique. Ainsi, on peut dire qu’elle crée l’illusion d’une illusion du réel, car elle puise l’objet de sa critique dans les oeuvres cinématographiques, et plus précisément dans la représentation de la femme dans ce corpus d’oeuvres.

Le Fils de Tina Barney, 1987, tirage en 1991. Épreuve par développement chromogène. 50,7 x 60,9 cm.
photo: Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa.

En reprenant les poses de la subjectivité fétichiste masculine auxquelles sont soumises les actrices, elle réussit à montrer une image associée au désir masculin, une image qui est construite et qui dissimule sa fiction. Ces poses dérangent, une fois isolées par la photographie. La stratégie de Sherman confirme les prémisses de l’exposition; comme quoi la photographie crée une illusion (subjective) du réel, mais arrive aussi à la rendre objective.

Les oeuvres d’un autre artiste de l’exposition, Yinka Shonibare, semblent aller dans cette même direction ironique face à la photographie. La série Journal d’un dandy victorien dérange avec sa stratégie formelle où l’on sent que c’est la mise en scène qui est le principal objet de cet ensemble d’images, en plus du sujet, où les Blancs assument les rôles habituellement réservés aux gens de race noire dans la représentation occidentale.

En conclusion, soulignons que l’artiste Yasumasa Morimura met en abyme des images de Cindy Sherman. Rien n’est encore clos dans cette histoire d’illusion du réel et de photographie.

Jusqu’au 1er octobre
Au Musée des beaux-arts du Canada
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