Le Musée d’art contemporain : Son et lumière
Le Musée d’art contemporain expose des vidéoclips et célèbre les réalisateurs de ces images populaires. Hérésie muséale?
Zbigniew Rybczynski, Mark Romanek, Chris Cunningham, Michel Gondry… Ces noms vous disent-ils quelque chose? En fait, vous connaissez les créations de ces individus, mais vous ne savez peut-être pas qui ils sont. Pourtant, ils ont donné à voir les chansons de John Lennon, Madonna, Portishead, The White Stripes, Björk… Il faut dire que les réalisateurs de vidéoclips sont souvent éclipsés par les vedettes qu’ils mettent en images et auxquelles ils offrent un univers visuel. Tâche un peu ingrate. En plus d’avoir, plus souvent qu’autrement, leur nom occulté dans la présentation de leur clip à la télé, ces réalisateurs sont fréquemment snobés par le milieu de l’art et du cinéma. Néanmoins, le MAC a décidé de leur rendre hommage avec une présentation de 27 clips réalisés entre 1975 et 2006. Cela va de Bohemian Rhapsody par Bruce Gowers pour Queen à Montréal -40 oC de Louis-Philippe Eno pour le groupe Malajube.
Cela permet, entre autres, de voir certains vidéos qui ont été moins montrés à la télé, tels celui de Floria Sigismondi pour Leonard Cohen (In My Secret Life tourné en partie à Habitat 67) ou celui de Pascal Grandmaison pour Jérôme Minière (Les Yeux tout autour de la tête). Et ici, ce sont les réalisateurs qui prennent le devant de la scène, leur nom précédant la présentation de leur clip.
Et avant de crier à l’hérésie, avant de rouspéter contre l’entrée du clip au musée, sachez que le mariage de l’art et de la pub est consommé depuis bien longtemps. L’art religieux a servi à la propagande de l’Église durant des siècles. La peinture d’histoire et les sculptures pour les monuments aux héros de guerre ou aux grands politiciens sont utilisées pour la propagande d’État depuis une éternité. Et l’art moderne et contemporain n’est pas à l’abri de ce type d’acoquinement… Combien d’artistes actuels ont repris (sans toujours prendre de distance critique) l’imaginaire de la mode et des images commerciales (Sam Taylor-Wood, Jeff Koons, Vanessa Beecroft…)! Même une grande partie de la production d’Andy Warhol (dont ses portraits des riches et célèbres) est à mettre dans cette catégorie de "l’art du réconfort". Le vidéoclip n’est pas par essence un mauvais moyen d’expression. Comme n’importe quel médium, il peut être investi intelligemment ou stupidement. Le roman Harlequin ne peut discréditer la littérature, le film de série B le cinéma. Il y a de tout dans le milieu du clip, le pire comme le meilleur.
Certes, certains des vidéos présentés au MAC ne sont pas à l’abri des clichés, de trucs visuels pseudo-surréalistes et faciles, refaits ad nauseam, genre maisons volantes et mondes parallèles… Les symboles utilisés y sont parfois très primaires, tels ces instruments de musique découpés à la tronçonneuse dans le clip Close to the Edit pour Art of Noise. Mais il y a aussi des clips très riches dont All Is Full of Love de Chris Cunningham pour Björk.
J’aurais parfois aimé que la sélection ait été différente. Les clips de Jean-Baptiste Mondino pour Don Henley et de Steve Barron pour a-ha me semblent jolis, mais rien de plus. Du groupe Radiohead, au clip Street Spirit de Jonathan Glaze, j’aurais préféré No Surprises réalisé par Grant Gee où l’on voit la tête du chanteur Thom Yorke dans un caisson de verre qui se remplit lentement et complètement d’eau. Et puis pourquoi ne pas avoir montré un de ces vidéos fabuleux que Derek Jarman a élaborés pour The Smiths (The Queen Is Dead est un petit film exceptionnel) ou même pour Marianne Faithfull? Pourquoi ne pas avoir choisi un vidéo des Rita Mitsouko (tel Marcia Baïla par Philippe Gautier avec des interventions de sept peintres de la figuration libre et du graffiti-art, clip qui fut montré au Museum of Modern Art de New York et au Musée Beaubourg à Paris) ou de Jean Leloup (Isabelle, réalisé en 1991 par James Di Salvio, est une grande réussite)? Une suite à cet événement s’impose.
Jusqu’au 1er octobre
Au Musée d’art contemporain
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