Symposium international d'art contemporain de Baie-Saint-Paul : S'imposer au Symposium
Arts visuels

Symposium international d’art contemporain de Baie-Saint-Paul : S’imposer au Symposium

Après avoir essuyé une crise qui a bien failli lui être fatale, le Symposium international d’art contemporain de Baie-Saint-Paul, réanimé par le commissaire Guy Sioui Durand, accueille une importante délégation d’artistes saguenéens.

Rien de plus simple. L’art contemporain s’ouvre aux gens qui s’ouvrent à l’art contemporain. Une belle façon de faire tomber les préjugés; ces artistes réinventant chaque jour de nouvelles façons de s’exprimer ne sont pas tous des êtres torturés.

Dans l’aréna de Baie-Saint-Paul, où se côtoient des artistes de plusieurs horizons, toutes sortes de visiteurs se laissent tenter. Touristes ou citoyens, initiés ou non, sans égard aux moyens financiers – puisque l’événement est entièrement gratuit -, l’art contemporain se fait moins rébarbatif qu’on pourrait le croire. Pas de grand discours hermétique où se bousculeraient des mots incompréhensibles. Seulement des rencontres avec des artistes, certains à l’air sérieux, d’autres loufoques, mais pour qui tout est prétexte à l’art.

Les techniques sont diverses, les matériaux utilisés rivalisent d’ingéniosité… Mais surtout, on donne leur chance aux idées même les plus extraordinaires. C’est ainsi, par exemple, qu’on peut imaginer lancer un jour une immense banane dans l’espace, qui agirait comme un satellite géostationnaire au-dessus du Texas – un projet surprenant de César Saëz (Montréal) et de son équipe internationale, Antoon Versteegde et Sylvia Dekker (Hollande) et Hugues Coupal (Ontario).

Si le Voir s’est autant intéressé au Symposium cette année, c’est pour l’importante délégation saguenéenne qui y participe. On y compte Boran Richard, Cindy Dumais, Jean-Jules Soucy, Marilou Desbiens, Claudine Cotton et Guy Blackburn. Parmi ces six artistes, nous avons pu rencontrer les trois premiers, qui ont accepté de mettre un moment de côté leur production artistique pour se prêter au jeu de l’entrevue.

ENTRE LA CHAIR ET L’OS

Cette fois, c’est à titre d’artiste que Boran Richard, photographe qui collabore souvent avec le Voir, a été abordé. Car s’il accepte certains contrats de photographie ou de montage vidéo, il utilise surtout son médium de prédilection pour produire des courts métrages d’animation.

Originaire de Québec, Boran Richard a étudié à l’UQAC, ce qui lui a fait découvrir une région qu’il a fait sienne depuis: "Je me suis installé à Chicoutimi après le bac. J’y aimais la vie, j’avais envie de voir comment les gens que j’aimais allaient évoluer… C’est vraiment un choix de coeur." Ses convictions profondes du potentiel de la région l’ont amené à recourir aux services de gens d’ici, persuadé qu’il est important que les productions régionales permettent aux artisans saguenéens de continuer de développer une expertise qu’on ne trouve nulle part ailleurs.

Au Symposium, Boran présente deux vidéos de création: Écoulement, un film produit entre les murs de la galerie Séquence, qui a remporté le prix Télé-Québec au festival Regard sur le court métrage au Saguenay en 2005, ainsi que Matière, une vidéo inédite.

Boran travaille présentement à un projet important, auquel contribuent Dominique Bédard, expert en manipulation, ainsi que Martin-Rodolphe Villeneuve, à qui l’on doit Le Vélocipède à patins, et qui a collaboré au film Les Ramoneurs cérébraux, de Patrick Bouchard. Son film mettra en vedette une marionnette grandeur nature, réplique parfaite d’un squelette humain. "J’ai fait plein de métiers avant: ébénisterie, installateur en muséologie, j’ai fait mes sciences pures… J’ai aussi eu un commerce. La vidéo, ça regroupe toutes mes passions. Avec mon squelette, je me remémore mes cours de biologie, je m’amuse à comprendre le corps."

Le travail en résidence de Boran, pendant le Symposium, lui permet de tester la maîtrise de cette immense marionnette. Il crée ainsi un film plus court, Échec et Matte, totalement indépendant, mais qui met en scène le même personnage décharné; une expérience qui le prépare pour son plus grand projet, tout en ayant un contact serré avec les visiteurs, qui peuvent prendre connaissance de sa laborieuse méthode de travail. Il profite aussi d’une rétroaction spontanée de la part des gens qui regardent ses productions antérieures présentées dans l’intimité d’un isoloir.

AU PIEU AVEC CINDY

Il est le lieu du confort douillet et du mal de dos, de la jouissance et de la maladie, du sommeil et des excès, du rêve et du cauchemar. La plupart d’entre nous passons le tiers de notre vie le corps frôlé par un matelas.

Le travail entrepris par Cindy Dumais aborde le sujet du sommeil et de l’insomnie. Elle réinvente le rapport que le corps entretient avec le matelas. Se projetant dans des poupées qu’elle fabrique elle-même, elle les place dans des situations étranges et poétiques de contact avec des matelas miniatures. "Je pars vraiment de la matière première. Je construis mes matelas d’un bout à l’autre, je conçois mes poupées avec des moules, je fais leurs vêtements. C’est la première fois que je fais de la couture! Alors, c’est encore long… C’est l’apprentissage."

Cindy apprécie le regard des gens sur son oeuvre et les rencontres qu’un événement comme le Symposium peut favoriser. Tellement qu’elle a dû mettre un frein à ses élans relationnels intarissables, consciente qu’elle était en ce lieu aussi pour "travailler". " Il y a une madame cette semaine qui m’a posé la question: "Est-ce que tu crois que la femme traditionnelle et la femme d’aujourd’hui ont le même rapport avec le lit?" J’ai trouvé ça génial." Un regard naïf, au sens noble du terme, peut parfois apporter beaucoup à la réflexion d’un artiste qui sait être à l’écoute.

Les projets se bousculent pour Cindy, qui est sur le point de commencer un doctorat en art à Montréal, le seul endroit où un tel programme est dispensé au Québec. Pas question pourtant de quitter la région. Elle présentera aussi une exposition, en janvier, à la galerie Espace Virtuel, qui fera suite à celle présentée en 2004 à Séquence.

DÉRAILLER SANS SOUCI

Jean-Jules Soucy est cet artiste drolatique qui a traversé le Canada en vélo stationnaire. Fidèle à lui-même, le seul qui peut se vanter d’avoir le maillot jaune du cyclisme artistique était bien en selle la fin de semaine dernière sur les lieux du Symposium. Agissant comme modérateur lors du forum Habiter tout le territoire par l’art?, qui a permis un autre type de rencontre entre les citoyens et des intervenants du milieu artistique québécois, il a accueilli les gens avec sa bonhommie habituelle. "Au lieu de faire le tour de France, moi, j’ai fait le tour de la question", lance-t-il avec humour.

Pour lui, l’art n’est pourtant pas un jeu, mais un mode de vie. Qu’il participe ou non à un événement comme le Symposium, son rapport avec les gens n’est pas différent. "J’ai pas un rapport compliqué avec le monde. J’ai toujours aimé rendre les gens complices de ce que je fais. Être dans le parking chez IGA ou être ici, moi, j’ai le même rapport avec les gens. Ça se passe pas différemment."

Il faut dire qu’il est en tête de peloton pour ce qui est d’un art impliquant la communauté. Concepteur de la fameuse pyramide des Ha! Ha!, il cumule les projets qui ont demandé la participation des gens. C’est bien simple, lorsqu’il enfourche l’art, son imaginaire déjanté semble impossible à freiner.

Toujours en échappée, il projette maintenant d’envahir New York – au moins ses galeries -, déguisé en une mascotte de lui-même, puis d’aller sauver l’Hexagone, débarquant en Normandie le 6 juin, commémorant à la fois le jour J et sa propre naissance.

À voir aussi au Symposium, les performances artistiques de Marilou Desbiens et de Claudine Cotton, à l’occasion de l’événement L’art action des femmes, qui aura lieu les 19 et 20 août, ainsi que l’exposition Touche, de Guy Blackburn, présentée pour toute la durée du Symposium au Centre d’exposition de Baie-Saint-Paul.

Jusqu’au 4 septembre
À Baie-Saint-Paul