Portrait Gallery : Pour adultes avertis
Portrait Gallery: le regard intime et troublant de deux jeunes artistes explorant d’inhabituelles approches de l’autoportrait et attaquant les mythes et tabous de l’homo-érotisme.
Depuis quelques années, les frères Jason et Stefan St-Laurent forment un des piliers de l’art contemporain alternatif à Ottawa. Impliqués à plusieurs niveaux dans les centres d’artistes, ils ont développé une vision artistique basée sur la performance, les nouveaux médias et l’expression de la nature humaine dans ce qu’elle a de meilleur et de pire. Par leur pratique artistique, ils repoussent les frontières et n’hésitent pas à utiliser un langage visuel direct mettant en question certaines valeurs et attitudes de notre société.
Portrait Gallery fait un pied de nez à la tradition des portraits officiels ou des autoportraits peignant les sujets "dans leur moment de gloire". Jason explique: "Nous avons décidé d’exagérer les stéréotypes de l’homme gai, comme celui qu’il est nécessairement un homme hyper sexué et ayant une fixation sur les pénis." Dans sa vidéo 500 Cum Shots to the Head, on voit l’artiste simulant recevoir des jets de sperme au visage, comme dans les films pornographiques. Une autre vidéo dévoile une scène de fellation particulièrement pénible à regarder, pas tant pour l’acte comme tel que parce qu’il est impossible de séparer l’oeuvre de l’artiste semblant véritablement souffrir. Bien que pouvant être choquantes, les images émeuvent et la souffrance est tangible, inconfortable et incontournable. Dans la culture homosexuelle masculine, le sperme comporte une signification particulière: "Je me souviens d’un roman que j’ai lu étant jeune adolescent, où le personnage principal se fait enculer alors qu’il a 18 ou 19 ans. Il se retourne et dit: "Now I have all your babies inside of me", et cette image m’a marqué", raconte Jason.
Che, Jason St-Laurent, image tirée d’une vidéo, 2006. Fourmis et sucre sur papier. |
"Est-ce que ça existe, l’art gai?" demande Stefan St-Laurent. "En prenant du recul sur mon oeuvre, je ne peux dire que oui. Il y a un homo-érotisme, en quelque sorte, partout dans mon travail, mais il a fallu plusieurs années pour que je le réalise. Mon frère est plus conceptuel et, moi, je suis plus romantique, alors c’était un défi de montrer nos oeuvres ensemble." Dans sa vidéo intitulée Stand By Your Man, de la chanson du même nom, l’artiste se travestit en une brunette aguichante dévoilant lentement ses charmes, composés des organes génitaux masculins et d’un vagin simulé. Dans une seconde vidéo, l’artiste chante et pleure à chaudes larmes aux rythmes d’une composition d’Elton John. Il dévoile également des échantillons de photographies faisant partie d’une série de portraits inusités: "J’ai voulu créer une nouvelle façon de prendre des portraits intimes de personnes que j’aime et avec lesquelles j’ai eu des relations, et j’ai voulu trouver une manière de représenter ma vie sexuelle sans exploiter mes amis et en protégeant leur anonymat." Sur fond noir et prenant soin d’effacer subséquemment le pénis, l’artiste a photographié l’éjaculation aérienne de ses amis se masturbant. Dans une société où la sécurité et notre identité passent déjà par les empreintes digitales, la reconnaissance vocale, la rétine et bientôt l’ADN, ces photographies fixent sur pellicule une réalité bien de notre temps, tout en redéfinissant adroitement le rôle qualitatif du portrait ainsi réinterprété.
Jusqu’au 5 octobre
À la Galerie La Petite Mort
Voir calendrier Arts visuels