Guy Blackburn : Une allée simple
Arts visuels

Guy Blackburn : Une allée simple

Guy Blackburn revient charmé de son expérience sur les plaines d’Abraham, où il a présenté son autobus, une oeuvre à la conception de laquelle plusieurs personnes de la région ont eu l’occasion de participer.

Un enfant est assis, minuscule, sur un banc d’autobus. Ses yeux écarquillés, il laisse vaquer son regard au-delà de la fenêtre, découpant la ribambelle du paysage qui défile ou, s’il est plus petit, se projetant vers le ciel. Mais le plus beau des voyages se fera sans doute derrière ses yeux, alimenté par son imaginaire débridé.

L’oeuvre présentée par Guy Blackburn dans le cadre du projet Les Convertibles invitait à replonger dans l’univers de l’errance enfantine qui a meublé nos plus longs voyages de folles aventures, alors que le véhicule se fondait dans cet univers irréel. "Je ne voulais pas faire un projet dramatique, raconte Blackburn en entrevue. Le principe était celui d’un cabinet des curiosités, un peu comme l’univers des brocanteurs ou des bouquinistes qui sont à Paris. Plein d’objets qui ne servent à rien ou à tout… Ce que je voulais présenter dans ce cabinet-là, c’était des yeux."

Même une fois l’autobus garé, le voyage continue. Traversé comme un seuil, il demeure le lieu de tous les voyages, ayant accumulé comme une trace les univers imaginaires des enfants qui y ont pris place. Près de 2000 visages d’enfants y sont emmagasinés, la plus grande majorité tournés vers le ciel qu’on a engouffré dans la voûte du véhicule, et les petits mondes ni naïfs ni conscients qu’ils charrient de leur regard.

Selon Blackburn, plusieurs milliers de personnes se seraient rendues sur les plaines d’Abraham, devenues le carrefour des autobus créés, ou plutôt réinventés, par des artistes de partout au Québec. Devant les bus, les visiteurs patientaient, plantés en rangs d’oignons, prêts à s’émerveiller. "Le samedi, j’ai compté 82 personnes dans la ligne d’attente. Et ça n’arrêtait pas, elle se maintenait. Au début, on voulait que les gens prennent le temps: des visages d’enfants, c’est précieux. Mais avec tout le monde…" Un succès comme on en voit peu en art contemporain, ce qui pourrait être expliqué, selon Blackburn, par le budget investi dans l’organisation et la publicité de l’événement.

Peut-être est-ce une conséquence directe de la nostalgie que la conjoncture contribue à alimenter, mais l’effet produit par l’oeuvre de Blackburn a parfois été des plus surprenants. Parmi les visiteurs qui ont pénétré dans son univers, à quelques reprises, certains d’entre eux, particulièrement émus, ont même fondu en larmes. "Tu ne peux pas ne pas être touché par 2000 visages d’enfants. C’était vraiment très touchant. La réception et l’ouverture des gens étaient impressionnantes… On n’est pas habitués à voir autant de monde dans ce milieu."

Guy Blackburn: "On voulait que les gens prennent le temps: des visages d’enfants, c’est précieux."

L’un des déclencheurs souvent soulignés par les voyageurs qui ont suivi l’allée simple de l’autobus a été ce que l’artiste appelle les litanies de "Je vous dis … ", de courts textes écrits par les membres du choeur Amadeus et par l’artiste polyvalent Stéphane Boulianne. "Les gens hésitaient: est-ce que c’était les enfants qui parlaient, ou c’était plutôt quelqu’un d’autre qui voulait le dire aux enfants? Il y a une madame qui ne voulait plus sortir! Elle les a tous pris en note, systématiquement. Ça a été de beaux déclencheurs." La trame sonore évolutive, créée par Guillaume Thibert, a aussi été souvent remarquée. "Je lui avais demandé de me faire un mélange, en tant que musicien, de déplacements. La bande son crée une enveloppe sonore. Ce sont trois bandes indépendantes mais synchronisées, de sorte que le son se promène. Il y a un musicien qui est venu dans l’autobus et qui a trouvé que c’était vraiment une réussite."

Nous pourrons nous faire notre propre idée sur le projet de Blackburn lors des Journées de la culture. Il sillonnera Saguenay, faisant escale dans la rue Saint-Dominique (Jonquière) le 29 septembre, dans la rue de l’Hôtel-de-Ville (Chicoutimi) le 30 septembre, ainsi que dans la rue Monseigneur-Dufour (La Baie) le 1er octobre. Pour l’artiste, la relation avec les visiteurs ne sera certainement pas la même que lors de l’événement qui a eu lieu à Québec. Car parmi les visiteurs se trouveront les enfants de la région dont le regard a contribué au grand voyage de l’autobus. Blackburn cherche un moyen de les remercier de leur précieuse collaboration. "Ce que je veux, c’est que chaque enfant récupère sa photo. Je pourrais la poinçonner, un peu comme un billet, l’estamper comme un passeport… Je veux leur donner une preuve du voyage qu’ils viennent de faire. Chaque enfant aurait son souvenir…"

L’artiste tient à remercier tous ceux qui ont participé à son projet, dont ses collaborateurs des clubs de photos de la région, et nous invite au plus beau voyage, lors des Journées de la culture, à la fin du mois.