Léo-Ayotte : Ayotte et fille
Si on devait parler de Louise-Hélène "Varech" Ayotte en termes de couleur, on dirait sans doute qu’elle est un curieux mélange de rouge passion et de bleu mer. À une heure du dévoilement du nouveau nom de la salle d’exposition, son corps tout entier s’habille d’une énergie enfantine, tandis que sa voix délicate pousse nerveusement ses souvenirs à l’extérieur d’elle-même, un peu comme les vagues s’échouent sur le rivage.
Assise devant ses tableaux, des ondes de couleurs, la dame d’une soixantaine d’années se rappelle l’été où son père, Léo Ayotte, l’avait initiée à la peinture à l’huile. Elle n’avait alors que trois ans et deux mois. "Ça m’a servi toute ma vie. Il m’a appris à voir au-delà de ce qu’on regardait. Lui, le peintre figuratif…" s’étonne-t-elle encore. Ayotte, reconnu pour ses natures mortes et ses paysages, l’entraîne cependant sur une autre voie malgré lui, sur celle de l’abstraction. "Il m’a appris, petite, que derrière la montagne que j’aimais beaucoup, il y avait des petits animaux, de l’eau, il y avait ci, il y avait ça… Tous les sens y passaient. Lui, je l’ai vu comme ça toute sa vie. Il se trouvait à faire du figuratif, mais c’était un figuratif toujours joyeux. Il avait l’amour de ce qu’il voyait. Moi, ce n’est pas ça. Oui, je m’extasie devant les choses. Admettons qu’on se promenait ensemble, on faisait "ah!" en même temps. Mais, moi, je continue tout de suite les choses. C’est comme la poésie…"
Son père n’est pas l’unique responsable de cette orientation artistique. Un autre événement se trouve à la source de cet intérêt. "Le début est drôle… J’avais comme amie une voisine de mon âge qui était aveugle. Et j’ai développé une pédagogie pour qu’elle connaisse le monde extraordinaire dans lequel je vivais. Comme elle ne voyait pas, j’étais ses yeux. Et elle, elle me ravissait avec sa façon de parler et de dire les choses – il faut dire qu’elle avait des parents assez exceptionnels. C’est ça qui m’a dirigée vers l’abstrait. J’ai découvert une autre façon d’exprimer. J’appelais ça ma "peinture d’aveugle"", raconte Louise-Hélène. Encore aujourd’hui, elle peint avec cette approche fort créative, où tout prend forme sur sa palette de couleurs. "Je compose mes tableaux comme les gens composent de la musique. Je stocke en dedans. Je me sens comme si j’avais plein de tiroirs. Et quand je viens pour peindre, si je me sens dans telle émotion, je pige dans tel tiroir. Puis, ça sort tout seul."
L’artiste originaire de la Mauricie, qui vit maintenant sur le bord d’une falaise en Gaspésie, s’inspire essentiellement de la mer. "Je suis fascinée par la force, le rythme, l’espace et les rochers – parce qu’il y a tout le temps des rochers qui se forment. Tous les sens sont obligés d’être présents. Tu n’as pas juste une vision. Moi, ça a été le coup de foudre. Quand j’ai vu la mer, j’ai voulu y mettre mes racines."
Ainsi, deux visions de la nature se confrontent au Centre des arts de Shawinigan: celle de Louise-Hélène, qui flirte avec l’eau salée et qui est présentée au rez-de-chaussée, et celle de son père, Léo Ayotte, qui dévoile à l’étage un amour plus terrien.
Jusqu’au 22 octobre
Au Centre d’exposition Léo-Ayotte
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