Le carrefour des caravanes
Arts visuels

Le carrefour des caravanes

À 5800 km de Saguenay, le Théâtre des Asphodèles devient le carrefour de toutes les caravanes, où les délégations de 10 pays francophones se retrouvent. Bilan.

Pour la plupart des participants au premier Forum international des caravanes francophones, la liste des 10 mots, établie par la délégation générale à la langue française et aux langues de France, était surtout un prétexte de rencontres. Prétexte de rencontres au niveau local puisqu’il aura stimulé la création de nombreux ateliers ou événements de création. Prétexte d’une rencontre internationale, riche en échanges et en émotions.

Les 10 mots auraient pu être à la source d’une dissension, les organismes du Québec, faisant preuve d’indépendance, préfèrent en général une liste qui leur est propre. Pourtant, la délégation québécoise, organisée par la compagnie de théâtre les Têtes heureuses, a choisi de s’aligner sur la même liste que les autres caravanes. Pour Rodrigue Villeneuve, l’utilisation des mêmes mots était préalable à un échange véritablement fructueux entre les différentes cultures représentées au premier Forum international des caravanes.

Car si de prime abord l’utilisation d’une langue commune permet de croire que nous partageons de nombreuses affinités, le contexte du Forum fait rapidement ressurgir des différences importantes, et ce, pas uniquement lors des réunions formelles: à Lyon – la "gastronomique" – les fastueux repas sont particulièrement riches sur le plan humain.

En fait, le succès de l’événement aura justement été de montrer comment la francophonie peut admettre une diversité étonnante. "Aucune délégation n’avait le même rapport au français, explique Dario Larouche, coordonnateur de la caravane québécoise, à 11 600 mètres d’altitude. Dans la région de Rhône-Alpes, le français coulait de source. Pour les délégations belge, suisse et pour nous, on sentait la nécessité de défendre notre langue dans notre propre pays. C’était complètement différent pour les Malgaches, les Marocains et les Sénégalais, pour qui le français est une langue imposée. C’est la langue du pouvoir."

Si une atmosphère de bonne entente générale ne s’est jamais dissipée, malgré des points de vue parfois difficilement conciliables, des liens un peu plus serrés se sont parfois tressés entre les caravanes, surtout sur la base de préoccupations et d’intérêts communs. "C’est la caravane malgache qui nous ressemblait le plus, ayant privilégié un but de création plutôt que seulement social", conclut Dario Larouche.

Outre les projections publiques des 10 films réalisés dans le contexte des caravanes régionales, toutes présentées à l’Institut Lumière de Lyon, plusieurs chantiers – tables rondes, débats ou ateliers – ont permis de soulever des interrogations importantes. Quelle est la place du film dans la caravane? Quelle place occupe le Forum dans le vaste éventail d’activités qui naissent sous la bannière de la francophonie?

Dans tous les cas, les participants sont unanimes: le projet se justifie par lui-même, tant par son implication locale, qu’elle soit artistique ou sociale, que par les rencontres internationales qu’il suscite.

Une partie de la délégation québécoise a poursuivi son chemin vers l’est, avec la plupart des autres délégations. Elles s’arrêteront à Bucarest, où de nouvelles projections publiques auront lieu. Ensuite, plus de 200 copies du film de Stéphane Boivin nous proviendront ainsi que des coffrets colligeant les films de toutes les caravanes et un florilège. Selon Hélène Bergeron, directrice de production des Têtes heureuses, certains films seront offerts aux bibliothèques de la région.

Évidemment, c’est sur une note festive qu’ont eu lieu les premiers départs. Chansons à répondre et chants sénégalais, rythmes marocains et danses malgaches, élans hétéroclites… Et cette impression d’avoir touché l’humanité.