Doyon-Rivest : Marque déposée
Arts visuels

Doyon-Rivest : Marque déposée

La firme Doyon-Rivest présente à Langage Plus le résultat de sa plus récente campagne publicitaire… Qu’a-t-elle à offrir? Aucune idée. La publicité, devenue une fin en soi, prend des airs d’art médiatique.

Il ne faut pas s’y méprendre: la firme Doyon-Rivest est un collectif d’artistes formé de Mathieu Doyon et de Sébastien Rivest. L’Objet de la rencontre pose le commerce et ses multiples transactions comme les traces du rapport à l’autre par excellence. La "publicité" s’inscrit alors comme une tentative de séduction, cherchant non seulement à stimuler le désir, mais à assouvir un besoin qui lui est propre. "Nous avons besoin de vous", nous interpelle le slogan de la firme, inversant les rôles. La firme avoue qu’elle n’est rien sans client. Un renversement carnavalesque qui vise peut-être à redonner au consommateur la pleine possession de tous ses moyens.

Au centre de la salle, une mise en scène. Le décor pittoresque d’un paysage sur une toile en arc de cercle. Au centre, un miroir convexe permet de se planter soi-même dans le décor, de se sentir interpellé par le logo de la firme, d’en entendre l’adresse. Le visiteur se sent au coeur de cette entreprise avant même d’avoir pu comprendre ce qu’elle a à offrir.

Le visiteur se sent au coeur de cette entreprise comme au coeur d’un paysage.

Car on ne sait rien de la firme Doyon-Rivest, et pourtant elle est partout. Une multitude de produits arborant son logo en fait la promotion: tapis de yoga, rideau de douche, batterie, tasse, imperméable, crayons, ballon de plage et même un voilier. Mais le collectif ne se résigne pas à faire la démonstration des pseudo-objets de consommation. Son projet mise plutôt sur l’esthétique de la mise en marché et de la publicité. C’est ainsi que l’art ne peut plus être considéré seulement comme une oeuvre, mais devient un événement à grand déploiement auquel on n’a accès que partiellement.

Les deux artistes maîtrisent avec une aisance déconcertante le langage publicitaire. Pour s’en convaincre, il suffit de remarquer la clarté des photos faisant appel à des images simples et convaincantes qui ont fait leurs preuves en publicité: la femme enceinte, l’adorable animal (dans ce cas un inséparable), le paysage. Le public cible est de facto interpellé par l’esprit de liberté (carte postale, voilier) qui se dégage de certaines images ou par le désir du jeu et du plaisir (ballon de plage, piscine).

L’exposition a certainement le mérite de nous faire prendre conscience d’une publicité qu’on tend à oublier malgré sa présence de plus en plus marquée – et insidieuse. Une expérience redoutable pour ceux que la mise en marché de l’art fait grincer des dents…