Marie-Josée Bastien : Remise en abyme
Marie-Josée Bastien dirige Une pièce espagnole de Yasmina Reza, "heureux mélange entre la fougue d’Almodovar et les grandes réflexions d’Ibsen, Strindberg, Tchekhov…"
Une pièce espagnole raconte l’histoire d’une mère présentant son nouvel amoureux à ses deux filles, l’une comédienne de théâtre, l’autre actrice de cinéma. Mais aussi celle des comédiens interprétant cette pièce. "C’est-à-dire qu’ils font des confessions, des interviews imaginaires, précise Marie-Josée Bastien. C’est du théâtre dans le théâtre. Donc, les comédiens doivent jouer l’acteur et le personnage. Et, souvent, les deux sont à l’opposé. Par exemple, les gars ont plus de panache comme acteurs que comme personnages. Pour moi, Fernan (Jean-Jacquis Boutet), qui est supposé être bon et ennuyeux dans la pièce, est joué par une espèce de Jean-Claude Briali, un acteur qui a du punch. Le comédien de Réjean (Vallée), dont le personnage est plus effacé, alcoolique, à un tournant de sa vie, n’aime pas son rôle; il est chiant, méprisant, a tout le temps un petit goût suret dans la bouche. Celle qui joue Pilar (Paule Savard), la mère, est une diva, qui a un commentaire sur tout, mais qui est en même temps perdue. Quant à Aurélia (Érika Gagnon), le personnage angoissé et dark de la pièce, elle est interprétée par une comédienne hyper heureuse. Et Noulia (Nancy Bernier), l’espèce de Penélope Cruz, par une actrice qui aurait aimé jouer Tchekhov. Donc, ça parle beaucoup du métier d’acteur, et la pièce espagnole est assez sympathique! C’est très vitriolique, avec la rage méditerranéenne: ça se parle, ça s’emporte, ça se calme et ça, c’est super intéressant. Tout comme les deux niveaux de jeu, d’ailleurs. En fait, il y en a même un troisième parce que la comédienne de théâtre répète une pièce bulgare dont on voit des extraits."
Pour des artistes de la scène, un tel sujet n’est évidemment pas sans soulever des questions les interpellant tout particulièrement, quant à la reconnaissance, au théâtre par rapport au cinéma ou à la télé, à la manière dont le personnage déteint sur la vie de l’acteur et vice versa… "Il y a du théâtre dans le théâtre dans le théâtre, observe la metteure en scène. Les discussions des répétitions ont été super importantes pour nourrir la pièce. Aussi, on a joué sur l’idée de la répétition de la répétition, c’est-à-dire que les acteurs ont un troisième niveau à jouer, soit celui du comédien durant les entre-scènes, qui se promène en attendant son tour." Reste qu’ils se sont d’abord et avant tout laissé porter par le texte. "C’est rare que je monte un spectacle comme ça, note-t-elle. Là, ils parlent, on ne peut pas les faire jogger… C’est une écriture très musicale; une histoire à la fois tragique et comique. Il faut que ce soit léger, alors que tout, en dessous, est lourd." Ainsi sa mise en scène se veut-elle "aussi musicale que le texte". "Tout à coup, il y a une note soutenue, donc, personne ne bouge, illustre-t-elle. Et on y va de ruptures franches, dans le corps comme dans la parole. Pour le décor, je me suis inspirée de Hundertwassser du Bauhaus; les lignes sont pures, il n’y a rien qui dépasse. Avec des couleurs à la Almodovar, sans mélange; c’est soit rouge, soit jaune, soit vert, soit bleu. Pour ce show-là, les images qui me venaient étaient beaucoup liées aux éclairages, aux atmosphères; ils sont super importants." Pour elle, il s’agissait d’un précédent, devenu, depuis, une corde de plus à son arc!
Du 31 octobre au 25 novembre
Au Théâtre de la Bordée
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