Beyond Feminism : Jamais satisfaites!
Arts visuels

Beyond Feminism : Jamais satisfaites!

À travers l’expo Beyond Feminism, la commissaire Sarah McCutcheon traite de la représentation des femmes par les femmes. "Mais que veulent-elles encore, ces bonnes femmes?"

"Que veulent-elles encore, ces féministes, ces enragées, ces femmes frustrées? Après le droit de vote, le droit à l’avortement, elles ont eu l’égalité salariale… Que veulent-elles de plus? Jamais satisfaites!" Mes lecteurs habituels sauront bien sûr que ce n’est pas moi qui tiens ces propos. Je me suis permis de faire écho à un type de discours qui, espérons-le, n’est plus de mise. Néanmoins, encore de nos jours, il est bien difficile de parler de féminisme sans que l’adjectif enragé lui soit systématiquement accolé… Quelles jeunes femmes revendiquent encore le féminisme? Au cégep où j’enseigne, quand je demande à mes élèves s’ils sont féministes, seules une ou deux étudiantes sur une trentaine osent lever la main. Sommes-nous vraiment dans un monde où le féminisme n’est plus nécessaire? Comment répondre à cette vision très péjorative du féminisme qui circule encore un peu de nos jours?

L’artiste du Costa Rica Priscilla Monge reprend à son compte le langage cru souvent utilisé contre les féministes, mais le retourne contre ceux qui s’en servent. Sur des boomerangs (qui permettent un certain renvoi à l’expéditeur), elle a inscrit des apostrophes vulgaires telles que "enculé", "couillon", "connard", "enfoiré", "viande à bite"… la meilleure étant, bien sûr, "fils de garce". Ainsi la boucle est bouclée. Une des oeuvres les plus grinçantes de l’ensemble.

Les Lesbians on Ecstasy, groupe musical fondé en 2003 à Montréal et qui travaille entouré "d’ami(e)s, membres de leurs familles, conspirateur(trice)s, collaborateur(trice)s, danseur(seuse)s disco et vendeurs de drogue", proposent une sorte de mythologie au féminin. Les filles et leur gang nous livrent toute une panoplie de petits objets achetables montrés dans une vitrine qui prend des allures d’oeuvre d’art: t-shirts pour filles (l’Office de la langue française devait-il les nommer des gaminettes?), sacs, disques remixés, et même un macaron portant comme slogan "I support lesbian divorce". Dans cette vitrine, ces filles disent une mythologie rock au féminin, parfois doublée d’un humour caustique.

Quant à Tricia Middleton, elle s’en prend à une certaine idée du monde tout beau et tout joli, un croisement entre la maison de poupées et le jardin anglais (dans lequel les jeunes filles pouvaient aller se promener). Ce monde est ici démoli, déconstruit, englué dans une sauce rosée super kitsch qui rend encore plus insupportable la joliesse de l’ensemble. Barbie qui aurait croisé un film d’horreur.

Dans cette expo, vous verrez aussi des interventions de la toujours intéressante Sheila Segal (qui dans une pièce ou deux est un peu trop proche de Betty Goodwin), de Theresa Sapergia, de Susan Gayle, de Jo-Anne Balcaen

Alors que les femmes au Québec semblent perdre un peu de terrain sur la scène des arts visuels, c’est encore une bonne idée de monter des expos de femmes. Mais celle-ci aurait demandé à être plus développée (par exemple au 2e étage de la galerie).

Jusqu’au 2 décembre
À la Parisian Laundry
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