Deborah Margo : Mémoire et poésie tridimensionnelle
La poésie visuelle de l’exposition Casting de Deborah Margo, découlant d’une imagination ludique et fertile, saura envoûter les amants de la sculpture minimaliste.
Les oeuvres de Deborah Margo sont regroupées dans deux pièces de la Galerie d’art d’Ottawa. Sans pour autant avoir été conçues précisément dans le but d’être exposées simultanément, les sculptures comportent d’indubitables liens intrinsèques, tant par leur esthétique minimaliste que par une authentique poésie transcendant le sujet. Bien que minimalistes, elles offrent suffisamment d’information pour suggérer une signification globale tout en transposant le visiteur dans un univers où se mêlent la réalité, une pensée analytique et une imagination ludique et fertile.
La première pièce regroupe six oeuvres interprétant, chacune à sa manière, un aspect de la territorialité, de la géographie, et leur lien avec les activités des êtres humains. Dans l’oeuvre La Nostalgie des continents à la dérive, II, une fenêtre en bois est entrouverte et un panneau est voilé de papier noir subtilement perforé. En observant attentivement, on découvre une carte du Moyen-Orient, plus précisément une image par satellite rendant compte de la luminosité des grandes villes. Une seconde sculpture, intitulée Cylindre de Bayswater, est disposée en plein centre de l’espace d’exposition. Un large rouleau de papier est suspendu par de solides tiges d’acier et le papier est déroulé jusqu’au plancher. L’artiste s’est appliquée à préserver les marques causées par des frottis de graphite alors que la grande bande de papier était accolée sur les murs d’un tunnel où avaient été effacés les graffitis qui les ornaient. Elle a voulu ainsi garder la mémoire de cet endroit et de ce qui avait été effacé, faisant écho aux activités s’y étant déroulées.
Registres de présences de Deborah Margo, en cours depuis 1999. Plume et encre sur un lutrin de bois et de verre. |
Deborah Margo porte une attention particulière à la facture de ses sculptures. Les matériaux sont soigneusement sélectionnés et ajoutent une dimension au travail. Du délicat papier strié et abîmé par les frottis aux carrés de papier sablé découpés et recouverts d’épaisses couches de peinture pastel puis aux minuscules trous arborant un mur et formant une carte géographique, la matérialité participe à la congruence de la pensée poétique et de la forme.
Une ambiance calme, austère et quelque peu sinistre règne dans la seconde pièce. Le visiteur est entouré de lutrins accrochés au mur sur lesquels reposent des feuilles aux mystérieuses inscriptions codées, d’épaisses feuilles de papier recyclé empilées dans un coin et de grosses boules de sucre difformes et colorées. Il se trouve devant une énigme. Une voix masculine lit des textes semblant provenir de documents officiels, mais la trame sonore est saccadée et le résultat est un désordre auditif presque indéchiffrable, donnant tout de même le ton. Les titres des oeuvres recèlent certains indices: Registres de présences ou Histoires médicales.
L’oeuvre de Margo exprime une mémoire en inscrivant les traces d’activités humaines vouées à l’oubli ou celles qui sont classées pour être ultérieurement détruites. Les documents ayant servi à la création de certaines oeuvres "retrouvent une vie, même si personne ne peut les lire. Ce sont des souvenirs. C’est l’histoire du temps, l’idée que quelqu’un était là", explique l’artiste. Deborah Margo possède ce rare talent de pouvoir traiter de thèmes graves et d’en extraire l’essence pour ensuite offrir une réinterprétation lyrique, sensible et personnelle.
Jusqu’au 7 janvier 2007
À la Galerie d’art d’Ottawa
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