Cooke-Sasseville : Dévisagés
Cooke-Sasseville présente une exposition à la face du monde – entre les murs d’Espace virtuel -, intitulée Aux pieds la tête. Légère pour certains, elle deviendra casse-tête pour d’autres…
En général, les gens n’aiment pas être dévisagés. Et pourtant, à moins d’être atteint de cécité, la plupart d’entre nous reconnaissons nos proches à leur figure – nous nous figurons ce qu’ils sont en les voyant. Nos souvenirs sont souvent associés à l’image des êtres chers qui ont agrémenté nos vies de leur présence.
Tout s’opère comme si notre identité s’inscrivait surtout dans nos traits, dans la différence qui existe entre nos faciès. Et pourtant cette image à laquelle on accorde une valeur identitaire si importante n’est qu’une question de surface. Celle que nous renvoie l’expression des gens qui nous entourent, une photo ou un miroir… Celle qui se trouve bien cadrée sur une carte d’identité ou dans un passeport. Mais cette identité ne se cache-t-elle pas ailleurs? À l’intérieur? Ou peut-être au-delà de nous-mêmes?
L’exposition de Jean-François Cooke et Pierre Sasseville ne se présente pas comme une collection d’oeuvres, mais comme un espace qu’il faut nécessairement pénétrer. Dans une société où penser n’est plus de bon ton – "Vous pensez trop. Ne pensez pas.", exposent les artistes comme un mantra graphique dans la seconde salle -, on se met parfois la tête au pilori jusqu’à en perdre la face.
De chaque côté de la salle principale, des silhouettes de papier décapitées se tiennent à flanc de mur dans un mouvement arrêté. Exactement comme si elles craignaient de piétiner leur propre identité affalée sur le sol. Le visiteur aura peut-être la même impression que lorsqu’il marche dans la rue et ne reconnaît personne, que des corps en mouvement, à plat dans un paysage factice qui le laisse indifférent.
Du cou de chaque étêté, une large bande écarlate et rectiligne s’étire dans un contraste tranchant avec le blanc des murs, du plafond, et le gris du plancher. Au bout de chacune d’elles se trouve la tête effeuillée des personnages, comme si elle avait été projetée. Le tracé de ces projections de capes se croise dans une structure en aplat à l’intérieur de laquelle le visiteur déambule, l’espace de la galerie étant enchâssé dans l’oeuvre.
Dans le sillage des deux artistes, nous devons nécessairement considérer l’identité au-delà de l’individualité. Elle n’est pas exclusivement intime, mais se tresse au croisement des pensées de chaque individu de la société. Nous sommes tous liés, au moins par la pensée… Alors, qui pense trop? Pensez-y!