Richard Morin : Alice dans la lune
Arts visuels

Richard Morin : Alice dans la lune

Richard Morin nous replonge dans son univers allégorique étrange. Rendez-vous à la Galerie Dominique Bouffard…

CE QUE DIT ALICE

D’abord, il y a les yeux. Les regards comme noyés derrière une surface liquide. Ensuite, il y a les visages, sensibles et muets, souvent posés sur des bêtes louches qui nous regardent comme si on les tirait d’un songe.

Alice est un ensemble de 14 tableaux grand format présentant toute une ménagerie fantaisiste, une zoologie déjantée qu’on dirait inventée par un savant fou. Oui, Richard Morin poursuit sa recherche sur la déconstruction et les hybridations corporelles. Si les corps tiennent presque de l’illustration pour se dissoudre doucement vers l’abstraction, les visages sont toujours terriblement humains, plus vrais que vrais, avec leur air de rien en attente de quelque chose. Ce sont souvent, d’ailleurs, des visages appartenant à des êtres chers.

Il y a d’abord Giuseppe – le zèbre, cheval déguisé en zèbre sur le dos duquel un visage est très, très tendrement posé. Écoute-t-il son coeur? Et puis il y a Georges – La quantité requise, drôle de girafe à l’air interloqué portant des taches à numéros. Il y a bien sûr Alice, au beau visage lunaire et Vermeerien, de glace dans son habit d’écolière. Autant de mises en scène derrière lesquelles se trouve l’intrigante et insaisissable histoire d’un être composite, autour duquel le réel, malgré la dislocation de ses éléments, reste toujours bien ancré. L’impulsion initiale de la peinture de Morin réside dans cette question de l’identité, à la fois dans ses tourbillons intérieurs et à travers les relations poreuses que la personnalité entretient avec le monde matériel qui l’entoure.

CE QUE DIT RICHARD MORIN

Sa peinture est un travail d’accumulation de couches et d’effacement successif. Il faut dire que Morin travaille à l’huile. Puisqu’il procède par décomposition et superposition, les couleurs et les motifs apparaissent en couches minces et transparentes, tout en délicatesse, fixées par glaçure. Sa peinture s’est visiblement éclaircie depuis sa dernière collection, et depuis un certain temps, la tentation de décomposer les images se faisant peut-être de plus en plus forte, le peintre expose les abstractions qu’il gardait auparavant dans son atelier.

Toute cette matière identitaire et picturale est fragile, facilement sujette à disparaître, et la fission schizophrénique n’est jamais très loin. On assiste à la naissance de mondes souvent fragmentés, en morceaux, des mondes de l’enfance retrouvés par bribes par un archéologue (Morin) fouillant les couleurs fugaces de la mémoire.

Au fait, le parcours artistique particulier de l’homme mérite qu’on s’y attarde. Morin détient une maîtrise en scénographie muséale ainsi qu’en théâtre, a fait ses Beaux-Arts à Paris et, dès son retour à Montréal, a inventé des marionnettes pour le Théâtre de l’OEil et conçu masques et maquillages pour le Cirque du Soleil. Sans oublier les costumes pour les Grands Ballets canadiens, le tout couronné de plusieurs prix. À ses dires, il semble que le passage des projecteurs vers la peinture se soit fait tout doucement, une chose en amenant une autre. Il peint maintenant à temps plein et son iconographie conserve toujours inévitablement l’empreinte des univers scéniques. www.galeriedominiquebouffard.com et www.richardmorin.com

Jusqu’au 3 décembre
À la Galerie Dominique Bouffard
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