Lorraine Gilbert : De la survivance urbaine
Accompagnez Lorraine Gilbert à la recherche de signes de vie dans l’environnement peu attrayant des plaines LeBreton.
La galerie Karsh-Masson abrite ces jours-ci l’exposition LeBreton Flats: Flora and Fauna, regroupant des images de l’artiste Lorraine Gilbert. Récipiendaire du prestigieux prix Karsh, remis par la Ville d’Ottawa à une oeuvre photographique exceptionnelle, elle marie sa fascination pour la photographie, la numérisation, la botanique et l’environnement. Telle une anthropologue, elle est attirée par les artefacts de l’activité humaine.
Quiconque habite la région connaît les plaines LeBreton, situées près du nouveau Musée canadien de la guerre. Le site n’est pas banal puisqu’il fait partie de l’histoire du territoire. Plus de 2000 résidences en bois des employés et patrons des scieries y ont été détruites par le grand feu de 1900, qui a brûlé plus de la moitié de Hull et une grande partie d’Ottawa-Ouest. Les employés ont ensuite reconstruit leurs habitations, mais tout le quartier a été exproprié dans les années 60. Résultat: les plaines sont abandonnées depuis plus de 40 ans, le sol, hautement contaminé par les industries et par l’utilisation subséquente du terrain comme dépôt de neiges usées par la Ville d’Ottawa. Des plans de réaménagement sont en cours, avec condos, musée, centres commerciaux, etc.
Que reste-t-il des plaines LeBreton? Lorraine Gilbert arpente le terrain depuis de nombreuses années et documente son utilisation. Tantôt séduite par la beauté des plants sauvages trouvant refuge dans cet inhospitalier terreau, tantôt intriguée par les objets abandonnés par les passants, elle amasse les souvenirs: "Avec la photo, je capte tout ce que je veux. Ce moment est parti pour toujours", raconte l’artiste.
La première série de photos exposées s’intitule Fieldworks, LeBreton Flats, 2006. Une image de très grand format capte l’attention: sagement alignés, les nombreux plants sont délicatement disposés en une composition soignée. Les "mauvaises herbes" prennent toute la place qui leur revient: numérisées et ensuite agrandies pour révéler les moindres détails, les herbes et fleurs rayonnent. Que regarde-t-on? Les images d’une parfaite netteté et au fond d’un blanc immaculé semblent tout droit sorties d’une salle d’opération froide et aseptisée. Ces plantes offrent leur dernier souffle à notre regard indiscret.
Photographie murale de Lorraine Gilbert, 50 x 160 po, impression laser sur papier chromogène, laminé. |
La seconde série, Les Messagers, plaines LeBreton, 2006, répertorie les objets et détritus laissés par les adeptes du graffiti ayant déniché des structures d’aqueducs et des murets pour s’exprimer. Révélant les activités qui s’y sont déroulées et commentant également les causes sociales qui ont mené ces personnes à souiller les lieux qu’ils fréquentent avec les nombreuses cannettes et déchets, Lorraine Gilbert interroge les valeurs de notre société qui abandonne nature et jeunesse. Les images de cette série forment une randonnée en miniature: en effet, le terrain est photographié de très près et les nombreux clichés sont ensuite numériquement assemblés pour former une composition très définie d’un espace restreint, composé d’objets jonchant le sol. De la bouteille de bière au coupe-vent aux teintes pastel ayant fort probablement appartenu à une jeune fille, l’on se prend à imaginer un scénario: qui sont ces graffiteurs, que faisaient-ils là, pourquoi élire domicile dans un endroit si répugnant?
Jusqu’au 7 janvier 2007
À la galerie Karsh-Masson
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