Adrian Norvid : L’affaire est dans le sac
L’artiste Adrian Norvid, professeur d’art à Concordia, fait dans le sarcasme, le cynisme, le détournement de sens. Cinglant. Souvent saignant.
Encore de l’art qui fait dans l’humour? Oui. Encore de l’art qui récupère la culture populaire et détourne l’imagerie du monde du commerce? Oui. C’est du déjà vu alors? Pourtant, non. Le travail de l’artiste Adrian Norvid ne manque pas d’originalité. Il sait faire dans l’humour sans tomber dans une ironie facile. Il sait reprendre des codes visuels familiers en se les appropriant d’une manière très personnelle. Il sait critiquer l’univers du commerce sans tomber dans un moralisme trop souligné.
Artiste qui fut remarqué lors du 23e Symposium de Baie-Saint-Paul en 2005 (dont le commissaire était Gilles Daigneault), Norvid sait dérouter un code qui pourtant est bien connu. Bien qu’il fasse de nombreuses références à la mode, à divers produits que l’on peut retrouver dans les commerces, à la société de consommation en général ou même à la bande dessinée, son art ne fait pas dans le bonbon et le kitsch, mais parle beaucoup de décrépitude, d’appauvrissement de sens et même des écarts entre les classes sociales.
Souvent, ses oeuvres énoncent un langage publicitaire qui est mis en déroute. C’est comme si, de but en blanc, le monde de la pub et du marketing s’était révolté ou avait été soumis à un sérum de vérité. Soudain, les slogans parlent avec candeur et honnêteté des produits qu’ils tentent habituellement de nous vendre à tout prix. Si nous pouvions faire en sorte qu’une telle chose se produise, imaginez ce que les slogans deviendraient et nous diraient sur les objets, de plus ou moins bonne qualité, que nous achetons…
Mais cela se passe chez Norvid. L’image d’un pain le désigne comme "À moitié cuit". La représentation d’un ruban collant le définit comme étant "Pas très collant". Pas loin, une affiche nous dit que l’on se moque bien des clients. Vous y verrez une horloge dessinée, et une phrase qui vous prévient que l’on reviendra "Sooner or later", que l’on s’occupera de vous un de ces jours… Plus loin, un immense sac ressemblant à ceux du célèbre et très chic magasin londonien Harrods est devenu gigantesque, monstrueux (à l’image de nos désirs de consommation). Il a été transformé en sac "Horrid" ("Horrible" en anglais). Juste à côté, un autre joli sac de carton que l’on donne aux acheteurs dans ces grands magasins, portant ici un slogan qui risque de ne pas être suivi par la clientèle bourgeoise… On peut y lire les mots "Wet your pants" ("Mouillez votre pantalon")! Installé sur un présentoir de plastique égratigné, ce sac devient encore plus trash et faussement chic.
Il y a chez Norvid une utilisation de la caricature qui ne manque pas d’intensité. Même dans ses immenses et impressionnants dessins, il y a toujours un ton très intimiste qui rajoute à l’intensité du commentaire et qui souligne l’appropriation personnelle que fait Norvid d’une imagerie commune.
Jusqu’au 16 décembre
À la Galerie Joyce Yahouda
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