Annie Pelletier : Vision modifiée
L’artiste Annie Pelletier, qui a pris l’habitude de travailler à partir de matériaux recyclés, nous surprend une nouvelle fois avec À bien y regarder, on voit les choses autrement.
Où se trouve la limite précise entre le fictif de l’oeuvre d’art et le réel? Dans À bien y regarder, on voit les choses autrement, expo réalisée dans le contexte d’un projet de maîtrise à l’Université Laval, Annie Pelletier explore la question. Avec une installation légèrement trash, elle habite l’espace de la Galerie d’art r3 à l’UQTR d’une manière toute particulière.
À bien y regarder s’ouvre sur une vaste pièce presque vide. Malaise. La sculpteure a-t-elle vraiment terminé son installation, même si tout semble encore en chantier? Peu à peu, l’embarras devient confusion: on cherche l’oeuvre à tout prix. "C’est sûr que quand tu es en face d’une toile qui est encadrée, tu le sais très bien que tu ne fais pas partie de la toile. La distance est là. Tu es spectateur dans ton monde. Mais là, dans une installation comme ça, je peux me permettre de jouer sur ce concept", amorce l’artiste.
Dans une deuxième section, que l’on peut entrevoir en entrant dans la salle d’expo, de vieilles télévisions illuminent des armoires disparates. Jolies en apparence, ces dernières cachent une montagne de produits de consommation. "Les gens me disent souvent que ça ressemble à chez eux, à leurs fonds de garde-robe ou à leur cave."
Annie Pelletier a voulu reproduire un environnement confortable. Est-ce pour cette raison qu’il y a les télés? "L’idée, c’était de ne prendre que des trucs usagés – je ne voulais rien de neuf – et de refaire des nouvelles choses. Je m’approvisionnais donc dans les marchés aux puces. Et, des télévisions, j’en voyais, j’en voyais… J’avais le goût que ça ait l’air de chacun chez nous; des télévisions, tout le monde en a. Aussi, je m’en sers comme lumière. […] Comme je veux encore jouer avec cette idée de la fiction et de l’ordinaire, je ne voulais pas avoir une lumière extérieure à l’oeuvre et qui éclaire l’oeuvre. Je voulais que l’oeuvre s’éclaire elle-même."
Oui, Annie Pelletier parle de surconsommation, mais elle ne cherche pas à faire la morale. Elle constate: "Je ne veux pas taper sur les doigts. Il y a cette idée de façade, où tout est beau. Il y a plein de choses dans nos comportements qui cachent une réalité qui est là. On veut tous un petit boulot avec un bon salaire pour pouvoir consommer. On se fait prendre, moi la première. Mais, tout ça a des répercussions. On ne peut pas faire semblant qu’elles ne sont pas là. On n’est pas obligés de se promener dans les dépotoirs, mais ils gagnent du terrain." Afin de ne pas contribuer au problème, elle utilise toujours des matériaux recyclés pour créer ses oeuvres. "Dans ma motivation écologique, c’est sûr que je ne veux pas prendre ni de la matière neuve ni brute. Maintenant, je suis à l’aise avec ces matériaux-là. Je t’avouerai qu’au début, quand j’ai commencé à travailler avec ces cochonneries-là, c’était un défi de ne pas y aller avec des matériaux nobles et de réussir à ce qu’elles fassent partie d’une oeuvre d’art."
Jusqu’au 3 janvier
À la Galerie d’art r3
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