Isabelle Hayeur : L’art de demain?
Isabelle Hayeur, Serge Murphy, les frères Sanchez, Gwenaël Bélanger et plusieurs autres artistes sont à l’honneur au Musée d’art contemporain. Art très actuel.
Lorsqu’il est entré en fonction en septembre 2004, le directeur du Musée d’art contemporain, Marc Mayer, m’avait dit ne pas avoir le projet de monter lui-même une exposition en tant que commissaire. Aurait-il changé d’idée? Lui qui a élaboré des expositions très remarquées, telle la grande rétrospective de Jean-Michel Basquiat (en 2005, au Brooklyn Museum de New York), n’en serait pourtant pas à sa première expérience de commissariat…
Ces jours-ci, le visiteur du MAC pourra néanmoins voir un accrochage conçu et présenté (grâce à plusieurs panneaux explicatifs) par Mayer lui-même. Il nous y dévoile les plus récentes oeuvres à être entrées dans les collections du musée. Réalisées durant les deux dernières années, ces nouvelles acquisitions, que ses "modestes ressources" lui ont permis de faire (dixit Mayer), regroupent une vingtaine d’oeuvres d’art on ne peut plus contemporaines. De bons achats et des dons de qualité? Il y a en effet plusieurs bonnes pièces.
Une immense création de l’artiste vancouvérois Ron Terada (né en 1969), gigantesque panneau signalétique, ouvre le bal et vole presque la vedette aux autres oeuvres. Cette pièce devrait d’ailleurs être définitivement placée à l’entrée ou dans le hall du Musée, comme signe de la différence culturelle de notre société. Vous pourrez y lire les mots suivants, qui vous feront penser que vous venez juste de passer les frontières après un voyage aux States: "Vous êtes sortis du secteur américain"! Voilà qui est à la fois très pertinent et très moqueur. Le fait d’entrer au MAC, situé dans le centre-ville de Montréal où les produits et même le cinéma états-uniens semblent plus souvent qu’autrement dominer les affiches publicitaires, prend alors un sens sociopolitique certain… Ce panneau nous rappelle comment notre culture est le fruit d’un système d’aides gouvernementales (avec des achats faits par des musées subventionnés comme le MAC) qui est bien particulier et bien différent de ce que connaissent nos voisins du sud.
Dans cette expo, le visiteur remarquera aussi la place importante accordée à la photo. Vous y verrez, ou reverrez, des tirages de Nicolas Baier (qu’il avait exhibés en avril 2006 chez René Blouin), de Candida Höfer, d’Isabelle Hayeur, de Geneviève Cadieux, de Charles Gagnon… Une telle sélection corrobore un fait incontournable de nos jours: la photographie se porte très bien en art contemporain. Certains diraient même qu’elle a supplanté la peinture auprès des collectionneurs et dans l’imaginaire du milieu de l’art comme médium par excellence. Elle semble même en train de "s’académiser". La superbe photo de l’Opéra de Paris de l’artiste allemande Höfer montre bien cela. Elle est le signe d’un type de photographie très esthétisante et très séduisante qui domine de nos jours. On est de plus en plus loin des images de marginaux de Diane Arbus ou de Nan Goldin.
Signalons un élément qui pourra sembler presque insignifiant, mais qui a toute son importance. J’ai apprécié que Marc Mayer, important décideur au Québec, signe les panneaux explicatifs de cette expo et qu’il le fasse non pas sur un ton impersonnel, mais bien en écrivant à la première personne. En matière d’art, où les goûts sont faussement dépersonnalisés, comme s’ils venaient d’une autorité presque divine, voilà un parti pris qui énonce une transparence d’action. Car, qu’on ne s’y trompe pas, il est rare que la postérité réécrive vraiment une époque ancienne. Ce sont les acteurs du milieu de l’art actuel qui inscrivent dès aujourd’hui dans l’histoire de l’art les artistes dont on se souviendra plus tard. Du coup, on comprendra que ces nouvelles acquisitions ne sont pas simplement le reflet de ce qui se fait maintenant, mais aussi l’écriture en direct de l’histoire de l’art, la monstration du processus de légitimation de l’art contemporain.
Jusqu’au 25 mars 2007
Au Musée d’art contemporain
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