Datascapes : N’ajustez pas votre appareil
L’exposition Datascapes, de Joan Fontcuberta, artiste de renommée internationale, bouleverse nos a priori sur la photographie et sa relation avec la réalité. À voir absolument au centre VU.
Joan Fontcuberta est ce genre de photographe iconoclaste qui possède une intelligence supérieure à la moyenne. Il parle plusieurs langues, il enseigne aussi bien dans sa langue maternelle qu’en français. Il est autant philosophe (il a publié plusieurs essais, et plusieurs essais ont été publiés sur lui) que créateur d’oeuvres d’art et professeur…
Catalan de naissance (Barcelone, 1955), son travail d’enseignant et de photographe-artiste l’amène à voyager et à se rendre dans plusieurs pays d’Europe et d’Amérique. Ses expositions tournent depuis déjà un bon moment partout dans le monde. Ses oeuvres font partie des plus grands musées: du MoMa (NY) au Metropolitan Museum of Art (NY), en passant par le Musée des beaux-arts du Canada, la Art Gallery of Ontario, le Musée national d’art moderne/Centre Georges-Pompidou et le Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofia (Madrid). On peut dire sans ambages que sa réputation n’est plus à faire!
Voir a eu la chance de s’entretenir avec Fontcuberta à l’occasion du lancement de son exposition de Googlegrammes (corpus d’images créées à l’aide d’un logiciel cherchant à partir de mots-clés par l’intermédiaire de Google un ensemble d’images minuscules sur Internet) et des Orogenèses (corpus d’images créées par un programme informatique qui construit une image selon des instructions préalablement définies). On a donc, d’une part, une série de photos constituées d’un ensemble d’images à caractère souvent politique et, de l’autre, une série d’impressions numériques de paysages montagneux (l’orogenèse est, en géophysique, le domaine qui s’occupe de la formation des montagnes). Mais qu’on ne s’y trompe pas, toutes les photos ne sont pas représentatives du réel, elles ne sont que le reflet d’une manipulation informatique.
Fontcuberta nous explique que c’est en observant la nature qu’il a eu l’idée de faire ses Orogenèses: "J’ai eu le sentiment, après une expérience dans un parc naturel de l’Alberta, que je me trouvais dans un décor puisqu’il y avait aussi, ailleurs, de la pollution et de la destruction causées par des êtres humains, je ne pouvais me sentir autrement que dans un monde superficiel. C’est pourquoi, nous explique-t-il, je triche la technologie. C’est une forme de subversion qui permet d’arriver à des résultats non prévus. Mais c’est tout autant une façon d’introduire des délires dans une dimension parfois gaudienne, d’autres fois dalinienne."
Et on la sent, cette douce influence catalane, méditerranéenne. Alors qu’à l’inverse, le caractère éminemment politique de la série de Googlegrammes ne peut laisser personne indifférent. Ces images de la mort en Irak, de la pauvreté, de la souffrance humaine montrent que Fontcuberta a, en plus d’avoir une réflexion originale, une conscience sociale.
Du 12 janvier au 18 février
Au centre de diffusion et de production de la photographie VU
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