Alexandre David : Entre les lignes
Arts visuels

Alexandre David : Entre les lignes

Alexandre David poursuit ses recherches et propose une oeuvre encore plus épurée qui défie les lois des formes d’art qu’elle évoque.

Je vous préviens, voici une présentation qui est un parti pris radical! D’exposition en exposition, l’artiste Alexandre David épure son oeuvre, la ramène encore plus à des éléments essentiels. Déjà, au Musée d’art contemporain, en 2002, et au Centre d’artistes B-312, en 2004, David avait réalisé des "sculptures" (mot que j’utilise à défaut de mieux) avec des moyens presque minimaux, quelques planches de contreplaqué, réunies pour constituer des formes géométriques pures. De simples parallélépipédiques rectangles vissés dans les parois des lieux d’exposition? Bien plus que cela.

David s’inscrit dans une tradition de l’art minimaliste, mais en la renégociant, en la réactualisant. Il reprend bien sûr à son compte cette idée de présence physique que les minimalistes et bien des artistes des années 60 et 70 ont préconisée. Pour bien des créateurs de cette époque, l’art ne doit pas créer une fiction, une quelconque forme d’illusion, mais renvoyer avant tout à la matérialité bien physique des matériaux utilisés par les artistes et du coup à la réalité du monde qui nous entoure. David fait cela avec finesse. Le contreplaqué utilisé a une texture indéniable, qui, même si on ne touche pas aux oeuvres, invoque invariablement notre sens du toucher. Notre odorat est aussi convié. C’est d’ailleurs la première chose qui nous interpelle en entrant dans la salle: l’odeur du bois coupé y est très marquée. Ainsi, le visiteur ne peut faire abstraction de la physicalité de ses réalisations.

Mais c’est aussi l’espace de la galerie qui est très souligné par l’intervention de David. Jamais autant le visiteur n’aura senti la volumétrie de l’espace du Centre Optica. Soudain, le parquet devient remarquable (lors de ma visite, plusieurs visiteurs demandaient si celui-ci avait été refait ou repeint par l’artiste pour cette expo). Soudain, nous voyons bien plus le plafond et le système d’éclairage de la galerie… Voilà qui est intéressant, mais qui a été réalisé par bien des artistes depuis une quarantaine d’années. Le travail de David serait-il un retour intelligent sur un type de discours bien connu?

Dans l’oeuvre d’Alexandre David, il y a plus que cela. Ce qui fait la valeur de ses interventions réside surtout dans sa capacité à jouer d’un certain nombre de langages artistiques et à en déjouer la clarté des repères. Ses créations font évidemment penser à de l’architecture, mais en fait ne sont pas vraiment soumises à cet univers du bâti. Lors de son intervention à la Fonderie Darling en 2004, il avait réalisé une de ses pièces les plus architecturales; néanmoins, même là, il arrivait à déjouer cet aspect et à montrer le moment où l’architecture se confond avec de la sculpture et même parfois avec une image 2D.

Bien sûr, son oeuvre fait penser au minimalisme, mais alors que les artistes s’y inscrivant continuaient à faire de la sculpture, David réussit toujours à résister au "devenir objet" que la sculpture instaure si souvent. Dans une époque où l’art est redevenu avant tout une marchandise pour bourgeois, il est bon que des artistes fassent encore des propositions qui résistent clairement à cette vision de l’art comme décoration. Devenir image, devenir objet… David refuse ces deux statuts à sa sculpture.

Jusqu’au 24 février
Au Centre Optica
Voir calendrier Arts visuels

À lire/voir/écouter si vous aimez
Les créations minimalistes de Donald Judd et Carl Andre
Les oeuvres du Québécois Stéphane La Rue