Annie Thibault : La vie secrète des protozoaires
Annie Thibault nous fait voir, à travers Apprivoisements fugaces (Fleeting Mastery), la poésie muette d’êtres minuscules.
DÉSIRS ET RÉALITÉS
Sonder ce qui échappe en général à nos regards d’humains est déjà un réel plaisir en soi. Combiner les mondes des arts et des sciences à cette incursion, c’est encore mieux.
Depuis 1995, Annie Thibault travaille à un projet de laboratoire dynamique qu’elle appelle La Chambre des cultures. Prenant comme ancrage l’origine de la vie et de la pensée scientifique, son projet explore, par le biais d’installations et de manipulations de cellules vivantes, les croisements esthétiques possibles entre l’art et la biologie. Au fil des ans, ses laboratoires sont devenus des ateliers itinérants où sont scrutés et mis en scène ceux qui furent les premiers êtres vivants. L’artiste-chercheuse reprend ainsi, en les poursuivant, les observations des premiers microbiologistes du 17e siècle. Drôle de chasse, qui prend en filature les turbulences et pérégrinations de micro-organismes prélevés par exemple sur du plancton. Thibault expose ce mélange de vigueur et de vulnérabilité propre aux choses vivantes.
OEUVRES ET SCÉNOGRAPHIE
C’est un peu compliqué à expliquer. Il y a d’abord les tables lumineuses. Un dispositif lumineux sert de table à dessin à Annie Thibault et sur ces dernières sont projetés des extraits vidéo de vues microscopiques. L’artiste se filme en train de dessiner par-dessus et on y voit ses crayons suivre Vorticella et autres Stylonychia, ce qui est fort utile pour comprendre ce qui donne lieu subséquemment à ses oeuvres sur papier. La ligne du crayon suit, précède et retranscrit les mouvements de protozoaires; les dessins qui en résultent font de sinueux et papillonnants ballets. Sur un mur de verre, vient ensuite une projection circulaire où l’on assiste en gros plan aux mouvements d’Euglenia. Aussi, cinq séries de dessins et d’aquarelles nées de cette collaboration qu’entretient l’artiste avec les petites bêtes à leur insu sont enfin dispersées sur les murs de la galerie. Rappel d’une exposition à AXENÉO-7 de Gatineau l’an dernier, on peut en terminant visionner sur film une installation étonnante, où des cultures font de minuscules motifs roses dans des dizaines de boîtes de Petri…
Annie Thibault avoue que le premier lien clair entre l’art et la science s’est fait pour elle à l’école, dans un cours de biologie. Disséquant alors un oeil de mouton, elle prit le cristallin entre ses doigts afin de regarder à travers: "Ce fut probablement l’une de mes plus belles expériences artistiques", explique-t-elle. Enfin, il y a la très belle scénographie signée Mike Patten; ce dernier est lui-même un artiste et ça se voit. www.pfoac.com
Jusqu’au 17 mars
À la Galerie Pierre-François Ouellette Art Contemporain
Voir calendrier Arts visuels
À lire/voir/écouter si vous aimez
Les aquarelles, les oeuvres sur papier
La microbiologie et l’optique