Live Free Webcams : L’homme mis à nu
Avec Live Free Webcams, Cheryl Sourkes nous montre que l’homme est naturellement voyeur. Naturellement, parce que depuis l’aube de l’humanité, l’homme aime se faire voir, et surtout regarder.
Le phénomène de la webcaméra est bien connu. Ce qui l’est moins, ce sont les impressions numériques grand format tirées d’images de vidéos amateurs trouvées sur Internet que l’artiste de Toronto Cheryl Sourkes nous propose au centre de diffusion et de production de la photographie VU. Sourkes est une artiste et une commissaire en vogue (elle exposera cette année l’oeuvre Public Camera au Musée canadien de la photographie contemporaine à Ottawa). À Toronto, elle est représentée par la Peak Gallery. Et ce n’est pas le genre d’artiste qui en est à ses débuts: elle partage son temps entre les États-Unis, l’Europe et le Canada depuis plus de 25 ans, ses oeuvres font déjà partie de nombreuses collections canadiennes et sa démarche artistique s’articule autour d’axes biens définis: la réalité et son rapport à la virtualité, l’espace public et la notion de voyeurisme.
Elle part du constat que l’époque contemporaine a inversé la célèbre phrase de Molière. On ne dit plus, à l’ère d’Internet, "cachez ce sein que je ne saurais voir". On dit plutôt "montrez-moi ce sein que je veux voir". Elle se questionne donc sur les raisons de cette inversion. Pourquoi les individus se filment-ils, s’exposent-ils dans les moindres détails de leur intimité, voulant à tout prix être regardés? Et quelles sont les raisons qui poussent les gens à regarder ces vidéos?
Le pire, c’est que, souvent, ces "courts métrages" sont dénués d’intérêt. Ils ne sont, de facto, que le reflet de scènes banales de la vie courante, quotidienne, ordinaire, de moments anodins. Or, se demande Sourkes par l’entremise de son oeuvre, pourquoi deviennent-ils sur Internet un spectacle pour certains? Qu’est-ce qui pousse l’être humain à vouloir regarder de parfaits inconnus? Notre perception du monde est-elle altérée par Internet? La virtualité de notre image quand elle n’est que projection change-t-elle notre manière de percevoir? Et est-ce vraiment la vie qu’on filme ou n’est-ce que l’image qu’on veut bien s’en faire? Autrement dit, le réel et le virtuel ne forment-ils pas qu’un seul espace indissociable aujourd’hui?
Peu de réponses sont apportées par l’oeuvre de l’artiste, qui s’amuse bien à nos dépens en nous faisant passer pour des voyeurs malgré nous. Visiter cette exposition, c’est entrer dans l’interdit, l’intime, non pas comme on le fait chez soi, seul dans le bien-être de son salon, mais dans la démesure d’une salle d’exposition: comment va réagir le spectateur, c’est ce que l’on va voir…
Au centre VU
Jusqu’au 25 mars
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CARNET
LE MOIS MULTI, DERNIERE PRISE
Le Mois Multi s’achève, et comme dans la plupart des événements, on a gardé le meilleur pour la fin. Le Mois Multi ne fait donc pas exception à la règle en lançant deux nouvelles installations, l’une abracadabrantesque, l’autre incroyablement enivrante. La première, Gravicells – Gravity and Resistance, des Japonais Seiko Mikami et Sota Ichikawa, est ineffable, vous devez aller en faire l’expérience (jusqu’au 7 mars, hall de Méduse). La seconde, c’est le Sonic Bed_Quebec de Kaffe Matthews. Encore une fois, aucun mot ne peut décrire l’expérience, à vivre absolument (jusqu’au 7 mars, hall de Méduse). Entrée libre pour les deux installations.