La Galerie de l’Université Carleton : Le Japon moderne… à l’occidentale
La Galerie de l’Université Carleton propose un voyage dans l’univers des artistes japonais des années 60, époque où l’attrait de l’Occident était inévitable. Mais à quel prix?
Resounding Spirit: Japanese Contemporary Art of the 1960s regroupe une cinquantaine d’oeuvres faisant partie de la collection appartenant à la Roland Gibson Gallery de la State University of New York at Potsdam. Quarante-cinq artistes sont représentés, surtout en peinture.
Après la Seconde Guerre mondiale, les peintres japonais se sont partagés en deux groupes: ceux qui sont restés fidèles à leur culture tout en ayant intégré l’esthétique moderne et en préservant l’essence de la peinture aquarelle traditionnelle (nihonga) et ceux ayant intégralement adopté les mouvements modernes de l’époque. Les oeuvres présentées ici, datant de la fin des années 50 jusqu’au début des années 70, donnent un bon aperçu du degré d’assimilation des courants artistiques de l’époque. Attirés par la vie américaine, de nombreux peintres ont émigré à New York ou ont étudié à Paris, reproduisant les styles qu’ils y voyaient. Cette intégration fut totale: en effet, bien bon est celui ou celle qui pourra distinguer la culture japonaise dans les oeuvres! Sans originalité, celles-ci prouvent hors de tout doute que ces peintres maîtrisaient parfaitement les techniques de l’époque, mais le visiteur ne pourra s’empêcher de reconnaître l’influence plus que marquée de toiles d’artistes reconnus. Même Claude Tousignant (Chromatic Accelerator, 1967) et Paul-Émile Borduas (3+4+1, 1956) y trouvent leur compte!
La visite vaut tout de même le détour, car les oeuvres sont placées dans leur contexte historique. Il est ainsi intéressant de lire au sujet du mouvement de protestation qui s’est organisé en réaction au traité américano-japonais de coopération et de sécurité mutuelles (ANPO) qui entra en vigueur en 1960 et dont les termes accordaient toujours de grands pouvoirs aux Américains et imposaient leur présence militaire. Les artistes japonais ont décrié ce traité en créant des oeuvres plus abstraites et énergiques ainsi que des performances dénonçant les injustices et en incorporant des matériaux inusités, tels que des rebuts ou du métal.
Ce qui frappe lors de la visite, c’est à quel point ces artistes ont laissé de côté leurs référents culturels pour adopter ceux de l’Occident. Faut-il toutefois se surprendre? En réalité, ce phénomène s’est produit dans de nombreux pays, du fait que les communications et les voyages étaient à la portée de tous et qu’il était d’autant plus facile pour les créateurs de se déplacer et de découvrir un nouveau mode de vie, une nouvelle philosophie et l’essor culturel s’y rattachant. Plusieurs peintres japonais furent toutefois désillusionnés par l’expérience et, à la fin des années 70, ont réintégré les formes plus organiques et les idéologies de leur culture dans leurs oeuvres.
À ajouter à votre calendrier: une journée d’activités liées à l’exposition est prévue le samedi 10 mars. Reproduisant l’esprit du Gutai on the Stage, espèce de Woodstock japonais de 1956, le Live Art Festival comprendra des conférences, des visites guidées ainsi que des performances qui promettent d’en mettre plein la vue! Ce sera une occasion unique de faire la connaissance de Ushio Shinohara, un important artiste habitant New York, qui présentera une énergique performance intitulée Boxing Painting, au cours de laquelle il frappe un large canevas avec des gants de boxe imbibés de peinture. Pour de plus amples renseignements: www.carleton.ca/gallery.
Jusqu’au 14 avril
À la Galerie de l’Université Carleton
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