Walt Disney : Droit de citer
Walt Disney est l’objet d’une expo qui fera courir enfants et parents au Musée des beaux-arts. Mais derrière cette oeuvre se cachent des questions moins enfantines…
Voici une expo qui s’arrête à mi-chemin. Certes, il est intéressant de voir les multiples sources ayant inspiré Walt Disney. Durant 40 ans, des années 20 aux années 60, il a puisé autant dans les arts romantiques que dans le cinéma expressionniste ou de Charlie Chaplin… Le château de La Belle au bois dormant vient du manuscrit des Très riches heures du duc de Berry. Le personnage de Blanche-Neige emprunte aux actrices Shirley Temple et Mary Pickford. La méchante sorcière qui la poursuit associe Joan Crawford à une statue d’une cathédrale gothique… Pourtant, à la fin de ce parcours (extrêmement bien documenté), je suis resté sur ma faim, l’esprit plein de questions. En particulier, quelle leçon retenir des usages de ces références?
Bien des artistes ont usé de citations. Les peintres académiques ont vampirisé, souvent bêtement, l’art antique. Bien des modernes et postmodernes ont cité des images anciennes pour les déconstruire et actualiser les valeurs qu’elles véhiculent. Qu’en est-il du travail de Disney? Car, après tout, la citation n’est pas une fin en soi. Le commissaire Bruno Girveau aurait dû approfondir davantage cette problématique. Une citation peut être un outil d’apologie ou de critique négative, un instrument de réflexion ou une simple légitimation… Peut-on voir des ramifications entre les idées politiques et sociales de Disney (individu très conservateur qui appuya le maccarthysme) et son art tourné vers la tradition?
J’aurais aimé plus de réflexions sur l’usage des citations par Disney. On sait comment, de nos jours, cette compagnie protège farouchement ses droits d’auteur. Aux États-Unis, la loi sur le copyright fut modifiée entre autres à la suite des pressions de Disney, qui ne voulait pas que Mickey tombe dans le domaine public en 2003. Grâce au Sonny Bono Act (en 1998), la célèbre souris restera sa propriété jusqu’en 2019 ou jusqu’à une nouvelle loi… Par ailleurs, on sait aussi comment les descendants de Victor Hugo critiquèrent les libertés prises par Disney dans l’adaptation de Notre-Dame de Paris (adaptation où le nom de l’auteur français est absent)… Et Disney fut poursuivi pour avoir utilisé en partie et sans payer de droits d’auteur une chanson du Sud-Africain Solomon Linda pour son film Le Roi lion. Mais qu’en est-il du Disney des débuts? Pour Bambi, l’expo parle de l’achat des droits d’un roman de Felix Salten, mais sinon elle reste silencieuse sur ce sujet. Et ce n’est qu’un aspect de la question.
En fin de compte, cette présentation nous confronte à l’importance du pastiche, de l’emprunt, de la citation et même du plagiat dans le processus créatif. L’artiste a-t-il tous les droits, même celui de s’approprier et de transformer des images, récits et contes anciens ou contemporains? Tous les emprunts sont-ils de même nature? De telles questions pouvaient-elles être posées dans une expo ayant trouvé tant d’aide chez Disney?
Depuis au moins les années 80 (et l’expo Bouguereau), les musées portent rarement un regard négatif ou réellement évaluateur sur les oeuvres présentées. Malheureusement, à trop vouloir vanter certains artistes (Disney serait un "des plus grands artistes du 20e siècle"), cela peut parfois les desservir.
Jusqu’au 24 juin
Au Musée des beaux-arts
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