Trevor Gould : Les variations Gould
Trevor Gould dit au revoir à l’une de ses importantes créations. L’art comme interpellation de l’imaginaire culturel…
Serait-ce la représentation du dernier voyage de l’explorateur et naturaliste Alexander von Humboldt (1769-1859), qui, avec son fidèle compagnon (et certainement amant), le bien nommé Aimé Bonpland (ça ne s’invente pas…), a parcouru le monde? Serait-ce ce voyage où il rentre chez lui en Allemagne, un peu forcé et mal reçu par la société conservatrice de son époque qui le trouvait trop libéral? C’est, en tout cas, certainement l’une des dernières fois que l’artiste Trevor Gould nous le montre dans ses pérégrinations américaines et états-uniennes. Et c’est avec regret que je ne verrai plus les dessins et sculptures de Gould représentant cet explorateur interrogeant un peu malgré lui, à travers les siècles, notre culture contemporaine. En effet, Gould en avait fait l’un de ses importants et fascinants éléments de recherche artistique.
Heureusement, ce dernier tour de piste d’Humboldt se fait en grand. Pour l’occasion, l’explorateur, relu et interprété par Gould, va visiter Disney, du moins l’expo sur Disney au Musée des beaux-arts (MBA). Au MBA, vous verrez donc une statue imposante de Gould dans une salle où l’on montre comment l’art contemporain dialogue avec (et conteste parfois) l’imaginaire convié par la gigantesque compagnie de la petite souris états-unienne. On y voit Humboldt (à qui des oreilles de Mickey ont poussé) qui semble ébahi devant la domination de la "disneyisation" de la culture (expression inventée par Alan Bryman en 2004 dans un intéressant livre intitulé The Disneyization of Society).
De plus, Gould est à la Galerie Lilian Rodriguez avec des images d’Humboldt, mais aussi avec tout son univers symbolique. Vous pourrez y reconnaître le grand homme allemand interpellé, montré du doigt par des jeunes hommes de Leipzig. Et pour une toute dernière fois, vous y remarquerez une petite sculpture d’Humboldt portant ces oreilles de souris… Mais vous y verrez aussi d’autres oeuvres où des êtres (et même des animaux) se trouvent à symboliser des concepts anciens réinterprétés par Gould. Vous y trouverez entre autres une série intitulée When the Present Meets the Past où deux hommes (le même à deux âges différents?) se rencontrent et se battent… Vous y noterez la présence d’images de dieux antiques comme Mars portant une cagoule très sadomaso… Sous le pinceau de Gould, la personnification de la guerre dévoile ses désirs de violence et son plaisir dans la douleur.
Il y a une belle parenté à faire entre Gould et l’Italien Maurizio Cattelan qui s’approprie des images de la culture (postmodernité oblige). Rappelons comment Cattelan a (entre autres) repris l’image de Picasso pour critiquer la "kitschification" des musées. En 1998, il a placé devant le Musée d’art moderne à New York une mascotte habillée en Picasso (avec un masque lui ressemblant), posant pour les visiteurs et touristes. C’était une manière de critiquer la "disneyisation" des musées, la culture comme divertissement vide de sens. Gould est de cette trempe d’artistes capables de critiquer les rouages de la culture contemporaine. Son appropriation d’Humboldt nous manquera. Mais connaissant Gould, je crois que ce n’est que partie remise… Tous les Mickey, Schtroumpfs et autres petits bonshommes culturels de la planète n’ont qu’à bien se tenir.
Jusqu’au 15 avril
À la Galerie Lilian Rodriguez
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À voir si vous aimez
Maurizio Cattelan et ses réappropriations de Picasso, d’Hitler et du pape Jean-Paul II.