9 Evenings : Dernier cri
Arts visuels

9 Evenings : Dernier cri

Quelques jours encore pour voir 9 Evenings, une exposition qui témoigne d’un temps où Robert Rauschenberg, John Cage, Yvonne Rainer et plusieurs autres osaient remettre en question toutes les règles artistiques.

Le 13 octobre 1966, à New York, débutait une série de soirées d’art expérimental intitulées 9 Evenings: Theatre and Engineering. Elles réunirent des musiciens, des artistes visuels, des danseurs et plusieurs ingénieurs. Étrange mélange? Les spectateurs purent y voir au travail des personnages des avant-gardes aussi importants que John Cage, David Tudor, Robert Rauschenberg, Robert Whitman, Billy Klüver, Alex Hay, Deborah Hay, Steve Paxton, Yvonne Rainer, Lucinda Childs…

Le public fut un peu médusé par leurs réalisations exploratoires où art et technologie travaillaient en étroite collaboration afin de renouveler les formes traditionnelles d’expression. Et lors de votre visite à la Galerie Leonard et Bina Ellen, il y a de bonnes chances que vous aussi soyez interpellés par certains des documents et films proposés montrant ces diverses interventions ayant eu lieu il y a maintenant plus de 40 ans. Mais ne vous laissez pas rebuter par l’aspect peu conventionnel des créations présentées. C’était la belle époque où l’artiste ne voulait pas nécessairement vendre son art, et souhaitait par-dessus tout ne pas être lui-même un vendu…

On créait alors des oeuvres inclassables. Vous y verrez donc un match de tennis chorégraphié interagissant avec des éclairages, des sortes de structures-sculptures gonflables en plastique transparent dans lesquelles les visiteurs pouvaient entrer, un individu (Alex Hay) se déplaçant dans une cage de plexiglas et transportant des seaux rouges pour les incendies… Bref, voilà une expo exhibant les traces d’un art où toutes les manières de faire et toutes les règles étaient remises en question. Et il ne faudra pas rater le court film (d’une vingtaine de minutes) d’Alfons Schilling (présenté dans la dernière salle de l’exposition) montrant des extraits de ces diverses performances qui étaient un peu (sans que les artistes le sachent) la fin des avant-gardes…

Voilà qui pourrait se révéler être un triste constat. Mais cette expo a la qualité de nous faire réfléchir à l’importance de l’art expérimental. Cela ne manque pas de pertinence à l’heure de la postmodernité, où nous aurions déjà assisté à la fin de ces avant-gardes et à la récupération quasi immédiate par le marché de l’art de toute création qui pourrait être encore en marge. Orson Welles, à qui on a reproché de faire parfois un cinéma trop expérimental, justifiait sa démarche en expliquant que dans tout domaine (même dans ceux totalement commerciaux comme celui de l’industrie automobile), il est important d’avoir des chercheurs qui produisent des choses peu rentables, parfois peu ou pas utilisables par la suite, car ces recherches étonnantes servent à faire fonctionner l’imagination. Que dire alors d’une époque où ce type d’art serait mort?

Cette exposition vous donnera encore plus le goût de faire une visite dans un des centres d’artistes autogérés que les modèles québécois et canadien favorisent encore et qui sont le ferment de notre culture (heureusement pas toujours rentables).

Jusqu’au 21 avril
À la Galerie Leonard et Bina Ellen
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À voir si vous aimez
L’art de la performance, les happenings, l’art relationnel et autres formes de créations-spectacles où le spectateur sort de son rôle habituel.