Michael Snow : Retour vers le futur

La semaine dernière, je vous parlais d’une expo intitulée 9 Evenings (présentée à Concordia) dans laquelle était remémoré le travail multidisciplinaire des avant-gardes des années 60. Voilà qu’il y a quelques jours à peine, s’est amorcée une autre expo qui se penche sur cet héritage de l’art expérimental moderne. Est-ce le fruit du hasard ou un signe plus profond que la postmodernité trop souvent séductrice lasse bien des artistes actuels?

Même si la collaboration pour ce projet est très récente, le film Triage (réalisé par Carl Brown et Michael Snow) est en lien direct avec les expériences cinématographiques et vidéographiques des années 60 et 70. Chez Dazibao, vous verrez une version de ce film, un vidéo montrant, dans une mise en abyme tout à fait moderniste, la projection de Triage devant public. Dans celui-ci, l’écran divisé en deux rappellera aussi plusieurs expériences modernes d’écrans multiples (Gance, Warhol, Godard…). À gauche, Brown utilise une seule séquence (montrant un tramway) qu’il reprend sans cesse, en la déconstruisant continuellement avec des effets de textures soulignant la matérialité de la pellicule. De son côté, à droite, Snow semble vouloir posséder toutes les images. Il donne le sentiment de répertorier l’univers en entier. Cela va d’images anciennes d’espèces végétales et animales à celles d’étoiles, exposées dans une rythmique effrénée…

L’un montre les limites du matériau (une évocation de la fragilité des vieux films), l’autre, les limites de la technique confrontée à notre désir de voir (malgré toute notre bonne volonté, le cinéma et la vidéo ne pourront jamais totalement rendre compte de la réalité du monde). Dans les deux cas, la rythmique des textures et du montage l’emporte rapidement sur le contenu, créant un effet hypnotisant. Il y a chez les deux des liens avec l’archaïque (reprises de vieilles technologies et de vieilles images) qui me semble paradoxalement très moderne (et c’est un compliment). Bien des artistes actuels devraient considérer cette expo avec attention.

Un seul bémol: accompagnant ce vidéo, les photos de Brown montrées tout à côté ne manquent pas d’intérêt, mais semblent néanmoins une coche en dessous du travail vidéo de celui-ci. Cela tient peut-être au fait que même si elles semblent renouer intelligemment avec le psychédélique, elles sont accrochées d’une manière très sage. Un peu plus d’originalité dans le système de présentation aurait été bénéfique.

Signalons que vous pourrez voir d’autres films de Brown et Snow à l’Institut Goethe. Le 2 mai, seront projetés Blue Monet (de Brown) et See You Later / Au revoir (de Snow). Une autre soirée aura lieu le 9 mai. Renseignements: www.dazibao-photo.org.

Jusqu’au 2 juin
Au Centre de photographies actuelles Dazibao
Voir calendrier Arts visuels

À voir si vous aimez
Le cinéma et la vidéo d’avant-garde