La 5e Biennale de Montréal : Véhicule hybride
Arts visuels

La 5e Biennale de Montréal : Véhicule hybride

La 5e Biennale de Montréal débute le 10 mai. Entrevue avec son commissaire Wayne Baerwaldt et bref aperçu des interventions de deux artistes invités.

Après une édition 2004 de mauvaise qualité, et une absence en 2006 qui a laissé imaginer le pire, la Biennale de Montréal revient heureusement cette année pour une 5e édition. C’est Wayne Baerwaldt qui en est le commissaire, lui qui a été entre autres directeur du centre Power Plant à Toronto, mais qui a aussi parrainé d’importantes expos comme celle de Janet Cardiff et George Bures Miller à Venise en 2001. C’est en Alberta que je le joins, quelques jours avant l’ouverture officielle de la Biennale. Au téléphone, j’ai un individu passionné qui me parle de son travail en mettant énormément de l’avant la création des artistes qu’il a choisis, une cinquantaine, dont neuf Québécois.

Pourquoi ce titre de Remuer ciel et terre (en anglais Crack the Sky)?

"J’ai voulu faire une biennale qui mette l’accent sur les artistes (en particulier canadiens) qui travaillent avec plusieurs médias et qui font même exploser cette notion de médium artistique. Je voulais des artistes qui explorent des frontières réelles ou imaginaires, qui les dépassent et renouvellent des manières de faire. Je pense, par exemple, à Susan Turcot qui a un oeil très critique et qui réalise un travail sur la forêt boréale comme les reporters devraient vraiment le faire."

Ce sera une biennale où l’hybridité sera mise de l’avant?

"Oui, une hybridité qui amène vers une transgression des frontières. Les artistes y traiteront entre autres de la manière dont le langage est utilisé pour parler d’identité, de nouvelles identités ou de changements d’identité. Ils aborderont comment nos héritages culturels ne sont pas coulés dans le béton."

Cette biennale aura-t-elle un aspect politique ou sociologique?

"Elle sera plus proche du sociologique. Entre autres, elle discutera d’un intérêt, d’un amour de la société québécoise. Beaucoup d’artistes aiment venir travailler ici. Entre autres, Stephen Lawson du collectif 2boys.tv m’a parlé de cet intérêt pour cette ville." [voir encadré]

N’y a-t-il pas une ambiguïté à faire une biennale si canadienne alors que le but d’un tel événement est aussi de montrer des liens avec l’art international? Existe-t-il une esthétique canadienne?

"Dans le passé, j’ai cru à cette idée. Notre art est particulièrement connu à l’étranger pour son aspect multimédia, je dirais même mix média, et pour un certain usage des technologies. Jusqu’à un certain point, c’est toujours vrai. Mais maintenant, j’aime mieux penser aux limites d’un tel modèle, aux contradictions présentes dans un tel système."

PLACE AUX ARTISTES

Parmi la cinquantaine d’artistes présents, le public retrouvera le trio BGL (Jasmin Bilodeau, Sébastien Giguère et Nicolas Laverdière), qui réalisera "une sculpture qui va parler de cinéma, de changement et de mutations". Mais on y verra aussi David Altmejd, Michael Awad avec Evan Penny, David Hoffos, Brian Jungen, Paul P., Annie Pootoogookwww.ciac.ca

Du 10 mai au 8 juillet
Divers lieux

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LYNNE COHEN

Cette photographe, qui a publié des livres intitulés Territoire occupé et No Man’s Land, a évidemment sa place dans cette biennale qui parle des frontières et de leur transgression. Elle y propose sept photos réalisées en France, dans l’arsenal de Cherbourg. "Mon travail parle de l’absence, de la présence, de la guerre, de la claustrophobie, d’humanité, mais aussi d’humour, soutient-elle. Vous y verrez entre autres une photo prise dans un sous-marin, une autre dans un bunker avec des cartes de géographie… Et on peut se demander à quoi servent ces cartes. Il y a un côté écolier là-dedans. Mais mes images parlent souvent d’un mélange de l’univers de l’enfant et de celui de l’adulte." Un travail documentaire? "Je ne fais pas une photographie documentaire, non. Toutes mes images sont comme des ready-made assistés. J’encadre des lieux trouvés, que j’assiste par la façon dont je travaille."

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2BOYS.TV

Ce collectif montréalais formé d’Aaron Pollard et de Stephen Lawson présentera une installation vidéo, un "spectacle miniature pour une époque dangereuse" [sic]. Ces derniers auraient dit au commissaire Baerwaldt vouloir venir ici car il s’agit d’une biennale cochonne ("dirty biennale")! "Quand on va dans une biennale, on veut vivre une expérience, explique Stephen Lawson. Et à Montréal, à cause de la réputation très sexuelle de la ville, on s’attend à vivre quelque chose, disons, de plus excitant… Cet aspect "dirty" de la ville est d’autant plus amusant à souligner après que le maire Tremblay eut déclaré vouloir rendre sa ville plus propre! Néanmoins, Montréal est l’une des villes où on voit le plus d’affiches annonçant des commerces liés à l’industrie du sexe."
Le travail de 2boys.tv est-il lui aussi de l’ordre de l’hybride et de la transgression des médiums artistiques? "Aaron et moi venons de deux domaines très différents, lui de l’école Emily Carr et moi de l’École nationale de théâtre. Nous intégrons différentes formes d’art comme la vidéo, la musique, mais aussi des formes d’art plus "cochonnes" [!] comme la performance des drag-queens. Notre travail est toujours de l’ordre de l’hybride…"