Bill Vazan : Manières de voir
Bill Vazan n’a pas fait que du "land art". Retour vers un grand moment de l’art conceptuel.
Voici une expo qui aurait pu être de la Biennale de Montréal, car elle traite, elle aussi, de frontières. En effet, même si, comme l’écrit Marie-Josée Jean, "la pratique de Bill Vazan est généralement associée au land art et aux montages photographiques", cet artiste, depuis les années 60, réalise aussi un art conceptuel qui tente de rendre visibles des limites invisibles ainsi que des parcours ayant une charge symbolique qui dépasse le domaine du regard. C’est une expo qui dévoile une belle parenté avec la création de Dennis Oppenheim, qui travaillait aussi à la limite de l’art conceptuel et du land art. On se souviendra, entre autres, de ses interventions sur la frontière Canada-États-Unis, qu’Oppenheim rendait visible en tranchant dans la glace ou la neige. Comme quoi les démarcations entre ces formes d’art sont plus floues que ce qu’en dit souvent l’histoire de l’art.
Dans cette expo de Vazan, vous verrez, par exemple, un parcours photographique du boulevard Saint-Laurent. Ces images semblent presque anodines par rapport au symbole qu’elles recèlent, la division de notre ville en deux, un monde plus anglophone et un monde plus francophone. Vous verrez aussi une carte du monde avec, superposé, un réseau de lignes multiples. Cela donne le sentiment que la géographie et les pays du monde sont niés par le réseau de communications, de voyages, d’échanges… Voilà une vision, à ses débuts, de la mondialisation de notre planète.
L’art de Vazan ici exposé nous dit en fait comment il y a un écart entre le monde du visible et le monde symbolique, mais aussi un écart majeur entre ce qui est vu et vécu. L’oeuvre la plus exemplaire de cela est cette série de photos prises en 1970. Vazan y tire le portrait de deux individus en leur demandant d’écrire leur pensée au moment de la prise de la photo. Ce qu’ils nous disent avoir eu en tête s’avère presque toujours détaché de leur expression…
Je m’en voudrais de ne pas souligner que cette expo a été montée par un groupe d’étudiants de l’Université du Québec à Montréal: Saada El-Akhrass, Laurence Beaumier-Breton, Jacinthe Blanchard-Pilon, Andréanne C.-Desfossés, Daniel Gagnon, Pascale Gagnon-Boucher, Catherine Héroux, Huguette Laperle, Justine Lebeau, Geneviève Loiselle, Eugénie Marcil, Élisa Mottard et Marie-Josée Roch. Un travail bien mené. Une expo qui révélera son riche contenu à ceux qui prendront le temps de s’en imprégner.
Jusqu’au 23 juin
Au Centre VOX
Voir calendrier Arts visuels
À voir si vous aimez
L’art conceptuel et le "land art", en particulier le travail de Dennis Oppenheim.