Dr Gunther von Hagens : Mémoire d'outre-tombe
Arts visuels

Dr Gunther von Hagens : Mémoire d’outre-tombe

Le Dr Gunther von Hagens a-t-il encore besoin de présentation? Avec Body Worlds 2, le chef de file mondial de la plastination nous immerge avec maestria dans un univers où la fascination côtoie le vertige.

Gunther von Hagens est un médecin allemand correspondant au profil type du scientifique talentueux: précocité, bourses d’études et parcours semé d’expérimentations et de découvertes. Sa grande inventivité l’amène rapidement, dès 1977 en fait, à mettre au point sa technique de plastination: il s’agit à l’origine d’une méthode de conservation anatomique dédiée à des fins didactiques et médicales, afin de pouvoir étudier de plus près et en trois dimensions les subtilités et variations individuelles des corps humains.

Ne vous méprenez pas: tous les corps humains présentés dans cette exposition sont ceux de donneurs qui, de leur vivant, ont légué leur corps à von Hagens via le programme de don de corps de son propre institut de plastination. Depuis 1995, le Dr Angelina Whalley, son épouse, est la responsable du design conceptuel de toutes les expositions Body Worlds. Fait peu connu: en 1983, l’Église catholique a demandé au Dr von Hagens de plastiner l’os du talon de sainte Hildegarde de Bingen (1090-1179), mystique théologienne béatifiée.

Durant ce procédé, tous les liquides corporels et les graisses solubles des spécimens humains sont extraits et remplacés par des résines réactives et des élastomères, au moyen d’une imprégnation sous vide. Les spécimens sont ensuite durcis en utilisant la lumière, la chaleur ou certains gaz, ce qui leur confère rigidité et permanence. Mettant au jour les systèmes internes qui nous échappent systématiquement, cette technique permet donc – et c’est évidemment ce qui est le plus impressionnant ici – de présenter des humains complets, sans la peau, dans des positions gardant tout le naturel du vivant en mouvement. Patineurs, athlètes, obèses, danseurs, skateboarders et une foule d’autres nous exposent leurs squelettes, prothèses et implants, réseaux nerveux, systèmes musculaires, circulatoires et organes internes. Les positions sont parfois extrêmement complexes, et pour en arriver à un plastinat humain complet, il faut au minimum 500 heures de travail.

Sont donc déployés sous nos yeux plus de 200 spécimens authentiques de plastinats d’organes (en santé et malades), de corps entiers et de coupes transparentes de corps, avec toute une section sur le développement foetal. Le plus déroutant, c’est que l’immense beauté de nos mécaniques corporelles humaines, transformées en oeuvres d’art, entre durement en collision avec le sentiment persistant que, devant nous, il s’agit avant tout de vraies personnes, avec une histoire et une vie derrière elles. Il est surtout impossible de ne pas voir à quel point des millions d’années d’évolution nous ont dotés d’un organisme d’une complexité et d’une efficacité inouïes.

De ce fait, nous sommes confrontés à notre propre mortalité, nous qui vivons dans une société où la mort est constamment cachée, soustraite à nos yeux. Il semble également que la plastination soit une alternative intéressante à l’incinération ou à l’inhumation traditionnelles: accepter que son corps soit fragmenté puis utilisé à des fins d’apprentissage, n’est-ce pas une excellente manière de survivre à sa propre mort?

Plus de 20 millions de personnes de par le monde ont vu les expositions Le Monde du corps.
www.centredessciencesdemontreal.com
www.bodyworlds.com

Jusqu’au 16 septembre
Au Centre des sciences de Montréal
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